<191>D'un cœur fidèle et pur reconnaissaient le prix,
A mes tristes grandeurs ne portant plus d'envie,
Quittant tous leurs projets, ils ne seraient jaloux
Que du bonheur que j'ai d'être chéri de vous.
Mais quel trouble soudain me coupe la parole?
Tandis qu'une image frivole
Me rappelle mes jours sereins,
Quand, pour adoucir mes chagrins,
Votre souvenir me console,
Des cris lugubres et perçants
Me font frémir d'horreur et me glacent les sens.
Mes yeux se couvrent de ténèbres;
Les Grâces, les Vertus, sous des voiles funèbres,
Par leurs plaintifs gémissements,
Méprisant leurs attraits et négligeant leurs charmes,
M'annoncent, en fondant en larmes,
Et vos dangers, et mes tourments.
La mort, l'affreuse mort menace votre vie;
Les dieux, jaloux de leurs bienfaits,
A mon bonheur portent envie,
Et le trépas, d'un bras impie,
S'apprête à déchirer, ô comble de forfaits!
Les vertueux liens de deux amis parfaits.
Non, jamais la nature avare
N'avait de ses arides mains
Prodigué de présent plus parfait ni plus rare
Qu'elle le fit, ma sœur, vous donnant aux humains.
Peut-être ce séjour, où l'audace et le crime
Ne cessent de se déborder,
Est indigne de posséder
Un mérite aussi rare, une âme aussi sublime.