<219>Faibles consolateurs de nos malheurs passés,
Qui, d'avance élevant un pompeux cénotaphe,
L'érigent pour laisser au monde consterné
Un léger souvenir d'un peuple exterminé.
Nous n'en souffrons pas moins; pour guérir nos atteintes,
Il faut de vrais secours, non de vaines complaintes,
Une assistance mâle, un vigoureux soutien
Qui partage avec nous et le mal, et le bien.
Vous nommez-vous amis, vous que la crainte arrête,
Qui, tranquilles, du port contemplez la tempête,
Qui, sans tendre la main à ceux qui vont périr,
Par les flots courroucés les laissez engloutir?
A la compassion toujours inaccessibles,
Vous renfermez en vous des âmes insensibles.
Le nom de l'amitié, pour moi saint et sacré,
Ne doit point décorer qui l'a déshonoré;
Mais tous ces grands, nourris dans un pouvoir suprême,
Réservent leur amour et leurs soins pour eux-même;
Le ciel semble avoir fait à chaque souverain
Des entrailles de fer, avec un cœur d'airain.
Qu'ils apprennent au moins, ou qu'un d'entre eux m'explique
Quel principe inconnu règle leur politique,
Et comment de sang-froid ils ont pu regarder
Ce torrent orageux qui va tout inonder,
Dévaster les États, en effacer la trace,
Qui, même voisin d'eux, d'assez près les menace
D'un sort non moins funeste et plus injurieux.
Ce n'était pas ainsi que pensaient leurs aïeux,
Pourquoi, lorsque autrefois l'Autriche avec la France
Disputaient pour ravir une dépouille immense
Des champs ibériens avec des héritiers,