<35>O sœur, à qui mes maux ont coûté tant de larmes!
O sœur, mon espoir, mon appui!
Vous m'écrivez, mon mal a fui.
Ah! si je vis, si je respire,
Si je suis délivré de mon cruel martyre,
Amitié, doux lien si peu connu des rois,
C'est à toi seul que je le dois.
Encor je jouirai de votre amitié tendre,
Je pourrai resserrer ces fidèles liens,
Vous voir, vous parler, vous entendre,
Profiter de vos entretiens.
A quoi pourrais-je plus prétendre?
Ce sont là mes suprêmes biens.
Et vous, beaux-arts, qui dans tout âge
Couronnez le bonheur du sage,
Malgré tous les assauts que l'enfer en courroux
M'a livrés dans sa sombre rage,
Relevé du tombeau, je vis encor pour vous.
Mont révéré, mont où j'honore
Les chastes filles d'Apollon,
Je pourrai te revoir encore;
Et, baissant ma lyre d'un ton,
Au lieu de célébrer l'aurore
Et l'appareil pompeux d'un beau soleil levant,
Je saurai destiner mon chant
A vanter la douceur d'un soleil qui colore
De ses derniers rayons les rives du couchant.
Ainsi nous peignons les images
Des objets qui frappent nos sens.
Lorsque j'étais dans mon printemps,
Je ne pouvais chanter que les amours volages;