<57>Ton bon patron quitterait, je l'assure,
Bibliothèque, amis, biens et parents,
Pour végéter entre tes draps puants.
Est-il chez nous un goût qui s'éternise?
En jouissant, bientôt l'amour s'épuise;
Dans quel pays vit-on des soupirants
Dont les beaux feux aient duré cinquante ans?
Quel Cupidon eut jamais barbe grise?
O lit! toi seul, et je m'en scandalise,
Tu sus fixer notre inconstant d'Argens.
Mais quel miracle! observe que le temps,
Qui détruit tout dans sa course rapide,
De tes faveurs l'a rendu plus avide :
Naguère au moins dans tes crasseux réduits
Il se bornait à se fourrer les nuits;
Mais à présent, moins sage et moins timide,
Plus acharné dans ses folles amours,
Tu le retiens et les nuits et les jours.
O vous, grands dieux qu'a célébrés ma verve!
Toi, dieu du Pinde, immortel Apollon,
Auguste, sage et prudente Minerve,
Vengez les arts, et vengez votre affront.
Souffrirez-vous que ce marquis transfuge,
Que ce d'Argens, loin du sacré vallon,
Au fond d'un lit se soit fait un refuge,
Et qu'oubliant votre culte et son nom,
En entassant les pavots et l'opium,
Sur son chevet il élève un trophée
A son idole, à son pesant Morphée?
Armez vos bras, et rendez aux beaux-arts