<91>Que ce divin pouvoir de faire des heureux,
Ni rien de plus louable en ton grand caractère
Que ce cœur généreux, toujours prêt à bien faire, »
Disait jadis, à Rome, à César son vainqueur
Ce protecteur des lois, ce consul orateur;a
Et c'est à tous les rois qu'il paraît encor dire :
Pour rendre des heureux vous occupez l'empire.
Non, sous Caligula je ne reconnais plus
Le trône fortuné qu'embellissait Titus :
L'un, prince extravagant, tenait Rome à la gêne,
L'autre faisait honneur à la nature humaine.
De la pourpre un moment dépouillons-les tous deux :
L'affreux Caligula, moins grand, est plus hideux,
Et Titus, de lui seul empruntant tout son lustre,
En simple citoyen n'en est pas moins illustre.
La grandeur est un glaive, un instrument fatal,
S'il tombe entre des mains qui s'en servent à mal;
Mais si le sort le met dans une main habile,
C'est pour le genre humain le don le plus utile.
Ce mortel fortuné n'est rien plus que ce gueux;
Ils ont un même droit au bonheur tous les deux.
Tandis que, s'endormant au sein de l'opulence,
L'un croit qu'il est la fin pour qui la Providence
Fit sortir du néant tous ces êtres divers
Qui rampent sur la terre, ou volent par les airs,
L'autre traîne humblement sa languissante vie,
De la faim dévorante et des maux poursuivie;
Obscur, désespéré, du malheur abattu,
Lorsqu'il manque de tout, l'autre a le superflu.
Ces flambeaux immortels qu'aux cieux on voit paraître


a Pro Ligario, chap. XII. Voyez t. VIII, p. 152.