<187>Et de sa langue frauduleuse
L'adresse abuse les humains,
Semblable au chant de la sirène
Dont la mélodie inhumaine
Les charme, et tranche leurs destins.
O ciel! quelle métamorphose
A changé le vice en vertu?
Qui transforme l'ortie en rosé?
Par qui tout est-il confondu?
Quel adulateur ridicule
D'un nain peut former un Hercule,
Et d'un vil ciron un Atlas?
O mortels! c'est la flatterie,
Dont l'insipide frénésie
En Newton érige un Midas.
Souvent dans ses visions folles
Elle adora jusqu'aux tyrans;
Des monstres furent les idoles
Dont l'argent gageait ses encens.
Toujours la trahison heureuse
Et la majesté fastueuse
A trouvé des adulateurs;
Cartouche orné d'une couronne,
Ou Catilina sur le trône,
N'auraient pas manqué de flatteurs.
Voyez sans esprit, sans haleine,
Ce frénétique en sa fureur :
A coups pressés de veine en veine
Son sang fait palpiter son cœur;
Son corps est brûlé par la fièvre,
La mort habite sur sa lèvre;
En vain le flatteur détesté,
Relevant d'une voix sublime
L'éclat du rouge qui l'anime,
Louera sa brillante santé.