<110> Glogau; si vous venez à vous refroidir, cela peut allonger votre maladie. Je sens bien que vous devez être fâché de ne pouvoir pas achever le reste de la campagne; mais vous pouvez ordonner de faire ce que vous auriez exécuté, si votre santé l'avait permis. D'ailleurs, dans quinze jours, si vous vous soignez bien, vous serez en état de supporter la voiture, et vous pourrez vous faire transporter où vous jugerez à propos. Enfin, il est des choses qui sont au-dessus des forces humaines, et contre lesquelles le meilleur remède, c'est de penser qu'on n'a pu les éviter, ni les prévenir.

Vous avez reçu, il y a deux ou trois jours, la nouvelle de la prise de Québec. Voilà donc toute l'Amérique septentrionale perdue pour les Français, et les Anglais peuvent faire revenir, cet hiver, en Europe près de dix mille hommes de troupes, plus de trente vaisseaux de guerre, et en laisser encore assez pour prendre la Martinique au mois de mars. Croyez, Sire, que cet hiver verra les Français abandonner tous leurs alliés, et par conséquent nous aurons la paix au printemps, et nous irons à Sans-Souci voir la galerie, qui sera, à ce que m'a dit aujourd'hui l'inspecteur des tableaux,a qui arriva hier de Potsdam, la plus belle chose qu'il ait vue dans le monde, quoiqu'il ait été six ans en Italie. J'ai l'honneur, etc.

P. S. J'envoie à V. M. des vers qu'on dit avoir été affichés pendant la nuit à la porte du château de Versailles :

Bateaux platsb à vendre,
Soldats à louer,
Ministres à pendre,
Généraux à rouer.


a Matthieu Oesterreich, qui mourut à Potsdam le 19 mars 1778, âgé de cinquante-huit ans.

b Dans la guerre maritime entre les Anglais et les Français, un lieutenant de police de Paris, nommé Berryer, inventa des bateaux à fond plat pour aller opérer une descente en Angleterre (voyez t. IV, p. 39). La marquise de Pompadour le nomma intendant de la marine; mais le public l'appela Berryer à fond plat.