<112> à V. M., si elle voulait faire dire à M. Kircheisen de dire à cette mégère de m'oublier et de me laisser paisible. Comment cette folle s'est-elle avisée de s'adresser à moi, qui, depuis dix-huit ans que j'ai l'honneur d'être au service de V. M., ne me suis jamais trouvé dans aucune tracasserie? V. M. dira que je dois mépriser les discours de cette femme. J'en conviens; mais il est pourtant disgracieux que, sur des discours des rues où je n'ai aucune part, je sois obligé d'essuyer les injures les plus atroces et les plus grossières. Les dévots mettent tous leurs chagrins aux pieds du crucifix; je mettrai les miens entre les mains de la philosophie, et, dût cette femme me régaler tous les jours d'une pareille épître, je ne parlerai plus à V. M. de semblables misères. J'ai l'honneur, etc.

85. AU MARQUIS D'ARGENS.

Elsterwerda, 12 novembre 1759.

Je me suis fait traîner ici, mon cher marquis. Demain je joindrai mon armée, et je me flatte que Daun et ses Autrichiens ne s'apercevront pas que j'ai la goutte. Dans huit jours j'espère que la Saxe sera entièrement nettoyée d'ennemis, et que tout sera tranquille. Si vous vous portez bien alors, et que vous puissiez trouver une voiture hermétiquement fermée, vous me ferez plaisir de me joindre à Dresde, où j'établirai mon quartier, et où j'aurai soin de votre logement. J'ai tant à faire à présent, qu'il m'est impossible de me mêler du clabaudage de votre folle : attendez que la campagne soit finie, et nous l'enfermerons dans telle Petite-Maison qu'il vous plaira. Adieu, cher marquis; je vous embrasse.