<180> que peut faire un libraire luthérien? Il n'a que de la reconnaissance à vous offrir, et Voss en est rempli; il publie par tout le monde ce qu'il vous doit. Il est vrai que vous en avez fait un seigneur; cet homme est devenu dans huit jours un des plus riches bourgeois de Berlin. Vous me parlez, Sire, des singularités de la fortune; en voilà un exemple assez particulier. Vous ignoriez qu'il y eût un Voss dans l'univers, et vous ne l'apprenez, pour ainsi dire, qu'après l'avoir enrichi.

J'ai lu, Sire, vos vers avec un plaisir infini. C'est Horace dans ses odes galantes, c'est Virgile dans ses Bucoliques, jusqu'au milieu de la pièce, et c'est encore le même Virgile dépeignant les fureurs de la guerre dans son Énéide. Toute cette pièce est fort correcte, et la facilité de l'expression ne fait rien perdre à la justesse des pensées et à la précision du style. V. M. est trop bonne de songer à vouloir me donner des porcelaines. Comment a-t-elle assez de complaisance, au milieu des affaires importantes qui l'occupent, pour penser à des choses qui ont aussi peu de rapport aux grands objets dont elle doit naturellement être affectée? Mais puisque V. M. me fait la grâce de m'écrire qu'elle peut m'en envoyer sans que cela la dérange en aucune manière, je lui dirai naturellement que j'ai acheté à Hambourg, dans la vente de Schimmelmann, des cafetières, tasses, théières, etc. Ainsi, si V. M. juge à propos de m'envoyer quelques plats et quelques assiettes, je les conserverai soigneusement; et, à la paix, il ne manquerait rien à mon bonheur, si je pouvais m'en servir pour lui offrir à Potsdam, dans une maison que je meublerais assez bien, un repas philosophique. Si V. M. daignait m'accorder cette faveur, je m'écrierais alors comme le grand prêtre Siméon : « Seigneur, tu peux maintenant disposer de ton serviteur en paix, puisque mes yeux ont vu mon Sauveur. »a J'ai l'honneur, etc.


a Saint Luc, chap. II, v. 29 et 30.