<264> un prélude de la mort à laquelle nous sommes voués du jour de notre conception. En faisant ces réflexions tous les matins, vous entendrez avec indifférence les bruits qu'annonce la renommée; ces vastes projets de nos ennemis, nos calamités et nos succès même vous paraîtront des misères, car, en considération de tout l'univers et de tous les âges, la guerre que nous faisons ne figure pas plus que celle des rats et des souris. Tenez-vous-en donc, mon cher marquis, à votre tranquillité philosophique; donnez-vous de l'exercice, puisqu'il est indispensable pour votre santé, et ne vous inquiétez pas de ce que ni vous, ni moi, ni personne dans l'univers ne peut empêcher ou changer. Je vous fais ici un beau sermon; j'en prends ma part pour moi-même. Mais, dès que les passions sont une fois animées, notre philosophie devient faible, elle prêche à un sourd dans les premiers moments, et ce n'est que le temps qui la rend victorieuse. Je vous demande pardon de vous dire des choses que vous savez mieux que moi. J'ai fait conversation avec vous, plutôt que je ne vous écris une lettre. C'est un épanchement du cœur, et vous m'en gronderez, si vous pensez qu'il ne convient de parler philosophie qu'à ceux qui ont reçu le bonnet de docteur. Adieu, mon cher marquis; vivez heureux et tranquille.

179. DU MARQUIS D'ARGENS.

Potsdam, 20 juin 1761.



Sire,

Je remercie infiniment Votre Majesté de ce qu'elle a la bonté de permettre que je prenne les eaux pendant une quinzaine de jours à Sans-Souci; mais comment a-t-elle pu croire que cet endroit me ferait