<456> droiture; ma voiture est déjà arrêtée, et, qui plus est, payée jusquà Besançon. Je ferai le voyage dans un bon carrosse, sans courir la poste, car en vérité j'ai reconnu que, pour aller plus vite, je devais me soumettre à la nécessité d'être obligé de faire les journées que le cocher avec lequel j'ai fait marché pour me conduire a réglées par son accord. C'est là un moyen assuré que j'ai trouvé pour me garantir des attaques et des tentations de la paresse; quant aux maladies, j'ai une si grande attention à ma santé, et je ménage si fort mon estomac,

Que je défie bien toux, fièvre, apoplexie,
De pouvoir de cent ans attenter à ma vie.

Je ferai depuis Lyon jusqu'à Berlin mon voyage avec M. Stosch,a qui vous a vendu, à ce qu'il m'a dit, un magnifique cabinet de tableaux et de raretés. Il est venu me voir ici, à Éguilles, trois fois, et il m'attend à Lyon, où il avait quelques affaires qui l'obligeaient de s'arrêter dans cette ville. Vous enrichissez donc toujours vos palais, Sire, et surtout Sans-Souci, des précieuses reliques de l'antiquité, dont la plus petite vaut mieux que toutes celles que possède l'église de Magdebourg; je n'excepte pas même la pantoufle de la Vierge.

J'aurais, Sire, bien des choses à dire ici à V. M. au sujet de ce qui se passe dans ce pays. Le Roi vient enfin de s'apercevoir que des gens faits pour juger les procès voulaient marcher de pair avec lui; il les a punis, et les a fait rentrer dans l'état où ils doivent être. Jamais les parlements, sous Louis XIV, n'ont été si humiliés; tous les gens de bon sens en sont charmés; ces prétendus défenseurs des peuples devenaient


a M. Philippe Muzell-Stosch vendit au Roi, en 1764 ou 1760, la collection de pierres gravées de son oncle Philippe baron de Stosch. Ce dernier était né à Cüstrin en 1691, et mort à Florence le 7 novembre 1757. Les pierres gravées de Stosch et la collection d'antiques du cardinal de Polignac faisaient le principal ornement du temple des antiquités bâti à Potsdam en 1768. Voyez les lettres de Frédéric à Jordan, du 10 juin et du 21 septembre 1742 (t. XVII, p. 247 et 269), et à Voltaire, du 18 novembre 1742.