<66>contentement général de la nation, qui demande la paix; un esprit de vertige répandu dans leur conseil d'État; des ministres qui se haïssent, qui cherchent à se détruire, qui sont presque tous les jours remplacés par de nouveaux, et vous verrez, Sire, qu'il faut que la France songe sérieusement à la paix. Et si elle est épuisée, qui donnera des subsides aux barbares et aux Tartares? qui soudoiera ces Suédois? qui payera ce tas de cuistres rassemblés à qui l'on donne le nom de l'armée de l'Empire? Je conviens que les Autrichiens sont de braves gens et des ennemis qu'on ne doit pas mépriser; mais vous les avez battus si souvent, que vous les rebattrez toujours de nouveau lorsque vous voudrez vous servir des lumières supérieures que la nature vous a données. L'Europe, Sire, est persuadée de ce que je dis à V. M., et vos ennemis, malgré leur nombre, ne paraissent rien moins qu'assurés de leur bonne fortune. Je sais les discours qu'ils tiennent, parce que je viens d'un pays où ils ont beaucoup de partisans. La seule chose qui pourrait rendre vos ennemis vainqueurs, c'est si vous veniez à périr. Vous devez donc songer, Sire, à votre conservation, non seulement par rapport à vous, mais encore par rapport à tout votre peuple. Quant à moi, Sire, je suis plus obligé que qui que ce soit au monde de faire des vœux pour V. M.; car, si j'étais assez malheureux pour la perdre, j'aimerais mieux aller vivre dans quelque colonie anglaise de l'Amérique que de retourner en France. Je ne saurais exprimer à V. M. les injustices que l'on m'y a fait essuyer depuis quelques mois, et j'ai été fort heureux de tirer d'abord à Hambourg trente-deux mille livres, car on ne veut plus laisser sortir les quinze mille qui devaient m'être payées au commencement de février. Mon frère m'a écrit que tout ce qu'il pouvait faire, c'était de me payer les intérêts de cette somme, qu'il garderait jusqu'à ce que, à la paix, les choses prissent une autre face. Pour me chagriner davantage, les gens du Roi ont dénoncé ma Philosophie du bon sens au parlement de Paris comme un livre impie, et il a été