173. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Kunzendorf) mai 1761.

Je vous vois avec plaisir à la campagne, mon cher marquis; si vous y prenez quelque exercice, cela contribuera à votre santé, et vous y serez plus tranquille qu'à Berlin. Je vous rends grâces de ce que vous n'oubliez pas la version de Plutarque dont je vous avais prié de vous charger; c'est un service important que vous rendez à la république des lettres et à tous les amateurs de l'antiquité. Veuille le ciel que la paix précède la fin de votre traduction! Je crains bien qu'il<257> n'en soit autrement. Je suis aussi incrédule sur les sentiments pacifiques de certaines puissances que vous l'êtes sur la sainte ampoule. Je prévois qu'il y aura encore des flots de sang répandus, et que la fortune, à laquelle toutes les puissances remettent leur sort, en décidera souverainement. Chantez-lui quelque antienne, mon cher marquis, dites-lui un bout de votre bréviaire, et tâchez, s'il se peut, de nous la rendre favorable. Je lui promets une image d'or, à l'imitation de la petite statue que les empereurs romains conservaient précieusement dans la chapelle de leurs lares. Adieu, mon cher marquis; ne m'oubliez pas, et soyez persuadé de l'estime que j'ai pour vous.