<122>tout sur ce que le roi de Pologne n'aurait jamais la Moravie, s'il ne se donnait la peine de la prendre. Auguste III répondait oui à tout, avec un air de conviction qui était mêlé de quelque chose dans le regard qui dénotait l'ennui. Brühl que cet entretien impatientait, l'interrompit en annonçant à son maître que l'opéra allait commencer. Dix royaumes à conquérir n'eussent pas retenu le roi de Pologne une minute de plus. On alla donc à l'opéra, et le Roi obtint, malgré tous ceux qui s'y opposaient, une résolution finale.

Il fallait brusquer l'aventure comme on prend une place d'assaut; c'était le seul moyen de réussir à cette cour. Le lendemain,a à six heures du matin, le Roi fit inviter le père Guarini, qui était en même temps une espèce de favori, de ministre, de bouffon et de confesseur. Ce prince lui parla de façon à lui persuader qu'il ne voulait réussir que par lui : la finesse de cet Italien fut la dupe de son orgueil. Le père Guarini, en quittant le Roi, se rendit auprès de son maître, qu'il acheva de confirmer dans la résolution qu'il avait prise. Enfin le Roi partit de Dresde, après avoir vaincu tous les obstacles, la mauvaise volonté du comte de Brühl, le peu de résolution d'Auguste III, et les tergiversations du comte de Saxe, qui, peu occupé de la Bavière, avait encore les chimères de la Courlande en tête,b et croyait, pour faire sa cour, être dans la nécessité de contrecarrer autant qu'il était en lui les Prussiens.

Lorsque le Roi arriva à Prague, Linz tenait encore; mais le comte de Törring, par son inconsidération, s'était laissé battre par les Autrichiens. On fit encore quelques tentatives pour inspirer de l'activité au maréchal de Broglie, mais inutilement. Le Roi convint tout de suite avec M. de Séchelles pour fournir des subsistances aux Saxons; il dit : « je ferai l'impossible possible; » sentence qui devrait être écrite en lettres d'or sur le bureau de tous les intendants d'armée. M. de


a 20 janvier.

b Voyez. t. I, p. 180 et 195.