<15> générales de l'Europe à la sagacité de son frère Horace. Un jour que des dames le pressaient de faire avec elles une partie de jeu, il leur répondit : « j'abandonne le jeu et l'Europe à mon frère. » Il n'entendait rien à la politique; c'est ce qui donna lieu à ses ennemis de le calomnier, en l'accusant d'être susceptible de corruption.

Malgré toutes les connaissances que Walpole avait de l'intérieur du royaume, il entreprit un projet important qui lui manqua : il voulut introduire l'accise en Angleterre.1 Si cette tentative lui avait réussi, les sommes que cet impôt devait rapporter, auraient suffi pour rendre l'autorité du Roi despotique. La nation le sentit; elle se cabra. Des membres du parlement dirent à Walpole qu'il les payait pour le courant des sottises ordinaires, mais que celle-là était au-dessus de toute corruption. Au sortir du parlement Walpole fut attaqué; on lui saisit son manteau, qu'il lâcha à temps, et il se sauva à l'aide d'un capitaine des gardes qui se trouva, pour son bonheur, dans ce tumulte. Le Roi apprit par cette expérience à respecter la liberté anglaise; l'affaire des accises tomba, et sa prudence raffermit son trône.

Ces troubles intestins empêchèrent l'Angleterre de prendre part à la guerre de 1733. Bientôt après s'alluma la guerre avec l'Espagne, malgré la cour. Des marchands de la cité produisirent devant la chambre basse des oreilles de contrebandiers anglais, que les Espagnols avaient coupées. La robe ensanglantée de César qu'Antoine étala devant le peuple romain, ne fit pas une sensation plus vive à Rome, que ces oreilles n'en causèrent à Londres. Les esprits étaient émus; ils résolurent tumultuairement la guerre : le ministre fut obligé d'y consentir. La cour ne tira d'autre parti de cette guerre que d'éloigner de Londres l'amiral Haddock, dont l'éloquence l'emportait dans la chambre basse sur les corruptions de Walpole; et le ministre, qui disait qu'il connaissait le prix de chaque Anglais, parce qu'il n'y


1 1727. [1733. Voyez t. I, p. 190.]