<41> stupidement adoré; la raison terrassa la superstition : on prit du dégoût pour les fables qu'on avait crues, et l'on eut horreur des blasphèmes auxquels on avait été pieusement attaché; le déisme, ce culte simple de l'Être suprême, fit nombre de sectateurs. Avec cette religion raisonnable s'établit la tolérance, et l'on ne fut plus ennemi pour avoir une façon différente de penser. Si l'épicuréisme fut funeste au culte idolâtre des païens, le déisme ne le fut pas moins de nos jours aux visions judaïques adoptées par nos ancêtres.

La liberté de penser dont jouit l'Angleterre, avait beaucoup contribué aux progrès de la philosophie. Il n'en était pas de même des Français : leurs ouvrages se ressentaient de la contrainte qu'y mettaient les censeurs théologiques. Un Anglais pense tout haut : un Français ose à peine laisser soupçonner ses idées. En revanche, les auteurs français se dédommageaient de la hardiesse qui était interdite à leurs ouvrages, en traitant supérieurement les matières de goût et tout ce qui est du ressort des belles-lettres, égalant par la politesse, les grâces et la légèreté, tout ce que le temps nous a conservé de plus précieux des écrits de l'antiquité. Un homme sans passion préférera la Henriade aux poëmes d'Homère. Henri IV n'est point un héros fabuleux; Gabrielle d'Estrées vaut bien la princesse Nausicaa. L'Iliade nous peint les mœurs des Canadiens : Voltaire fait de vrais héros de ses personnages; et son poëme serait parfait, s'il avait su intéresser davantage pour Henri IV, en l'exposant à de plus grands dangers. Boileau peut se comparer avec Juvénal et Horace; Racine surpasse tous ses émules de l'antiquité; Chaulieu, tout incorrect qu'il est, l'emporte sûrement de beaucoup, dans quelques morceaux, sur Anacréon; Rousseau excella dans quelques odes; et, si nous voulons être équitables, il faut convenir qu'en fait de méthode les Français l'emportent sur les Grecs et sur les Romains. L'éloquence de Bossuet approche de celle de Démosthène; Fléchier peut passer pour le Cicéron de la France, sans compter les Patru, les Cochin et tant d'autres qui se