<84> saisit ce moment; son infanterie s'ébranla pour entamer la droite des Prussiens, dépourvue de cavalerie; secondé de sa cavalerie autrichienne, il fit des efforts incroyables pour enfoncer les troupes du Roi, mais inutilement : cette valeureuse infanterie résistait comme un rocher à leurs attaques, et par son feu leur détruisit beaucoup de monde.

A la gauche des Prussiens, les choses étaient moins hasardées : cette aile, qu'on avait refusée à l'ennemi, était appuyée au ruisseau de Laugwitz; au delà de ce marais, la cavalerie du Roi avait chargé celle de la reine de Hongrie, et l'avait battue. Cependant le feu de l'infanterie de la droite durait depuis près de cinq heures avec beaucoup de vivacité; les munitions des soldats étaient consumées, et ils dépouillaient les fournitures des morts pour trouver de la poudre à charger. La crise était si violente, que de vieux officiers croyaient les affaires sans ressource,a et prévoyaient le moment où ce corps sans munition serait obligé de se rendre à l'ennemi; mais il n'en fut pas ainsi, et cela doit apprendre aux jeunes militaires à ne pas désespérer trop vite, car non seulement l'infanterie se soutint, mais elle gagna du terrain sur l'ennemi. Le maréchal de Schwerin, qui s'en aperçut, fit alors un mouvement avec sa gauche, qu'il porta sur le flanc droit des Autrichiens. Ce mouvement fut le signal de la victoire, et de la défaite des ennemis : leur déroute fut totale; la nuit empêcha les Prussiens de poursuivre leurs avantages au delà du village de Laugwitz. Alors arrivèrent ces dix escadrons d'Ohlau,b mais trop tard; une chaussée qu'ils avaient à passer pour joindre l'armée, leur avait été barrée par les hussards autrichiens, qui les arrêtèrent longtemps à ce débouché, et


a Dans ce moment critique, il paraît que le Roi quitta le champ de bataille; mais il n'en fait pas non plus mention dans le rapport circonstancié daté d'Ohlau, le 11 avril, et adressé par lui au prince régnant de Dessau.

b Dans l'Éloge de Goltz, le lieutenant-colonel de Goltz est mentionné par le Roi comme étant l'officier qui depuis Ohlau hâta la marche des quatorze escadrons (et non pas dix), et les employa à la poursuite de l'ennemi.