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CHAPITRE III.

Campagne de 1741. Négociations de paix. Hommage de Breslau. Retour à Berlin.

Les renforts pour l'armée de Silésie arrivèrent à Schweidnitz au mois de février. De leur côté, les Autrichiens se préparaient également pour la guerre; ils tirèrent le maréchal Neipperg des prisons de Brünn,75-a où il avait été détenu depuis la paix de Belgrad, pour lui confier le commandement de cette armée qui devait reconquérir la Silésie. Ce maréchal assembla ses troupes aux environs d'Olmütz, et il détacha le général Lentulus avec un corps pour occuper les gorges de la principauté de Glatz, par où Lentulus se trouvait à portée de couvrir la Bohême, et de joindre l'armée de Neipperg dans les opérations qu'il méditait sur Neisse. Les hussards autrichiens préludaient déjà sur la guerre : ils se glissaient entre les postes des Prussiens, tâchaient d'enlever de petits détachements et d'intercepter des convois; il se passa de petites actions, toutes aussi favorables à l'infanterie du Roi que fâcheuses pour sa cavalerie. Ce prince, en arrivant en Silésie, se proposa de faire le tour de ses quartiers, pour se procurer la connaissance d'un pays qui lui était nouveau. Il partit donc de Schweidnitz, et vint à Frankenstein. Le général Derschau, qui commandait dans cette partie, avait poussé deux postes en avant : l'un<76> était à Silberberg, et l'autre à Wartha, tous deux dans les gorges des montagnes. Le Roi voulut les visiter; les ennemis en eurent vent, et tentèrent de l'enlever : ils tombèrent par méprise sur une escorte de dragons postés en relais auprès du village de Baumgarten, entre Silberberg et Frankenstein. Le colonel Diersfordt,76-a qui commandait cette escorte, ignorait trop la guerre pour manœuvrer avec avantage contre des troupes légères : il fut battu et perdit quarante maîtres. On entendit cette tiraillerie à Wartha : le Roi, qui s'y trouvait, rassembla quelques troupes à la hâte, pour accourir au secours des dragons qui étaient à un mille de là; mais il arriva après coup. C'était une étourderie de la part d'un souverain de s'aventurer si mal accompagné. Si le Roi avait été fait prisonnier dans cette occasion,76-b la guerre était terminée : les Autrichiens auraient triomphé sans coup férir; la bonne infanterie prussienne serait devenue inutile, ainsi que tous les projets d'agrandissement que le Roi se proposait d'exécuter.

Plus que l'on approchait de l'ouverture de la campagne,76-20 plus les affaires devenaient sérieuses. Le rapport des espions s'accordait unanimement à confirmer que les ennemis se renforçaient dans leurs postes; qu'il leur arrivait de nouvelles troupes; et qu'ils méditaient de surprendre les Prussiens dans leurs quartiers, en y pénétrant ou par Glatz ou par Zuckmantel. Vers le même temps, cent dragons et trois cents hussards autrichiens s'étaient jetés dans Neisse. Cet indice seul était suffisant pour dévoiler en partie les desseins des ennemis, et cela fut cause que le Roi donna des ordres pour resserrer ses quartiers; il aurait dû sur-le-champ les rassembler tous; mais il était encore alors sans expérience, et c'était proprement sa première campagne. La saison n'était pas assez avancée pour que les blocus de Glogau et de Brieg pussent se convertir en siége. Il y avait cependant un projet<77> tout arrangé pour prendre Glogau d'emblée, et le prince Léopold d'Anhalt eut ordre de l'exécuter sans perdre de temps. Ce fut le 9 de mars que la ville fut attaquée par cinq endroits à la fois, et prise en moins d'une heure de temps; la cavalerie même franchit les remparts, tant les ouvrages étaient tombés en ruine. Aucune maison ne fut pillée, aucun bourgeois ne fut insulté, et la discipline prussienne brilla avec tout son éclat. Wallis et toute sa garnison devinrent prisonniers de guerre. Un régiment de la nouvelle création en prit possession; on fit travailler d'abord à perfectionner les ouvrages, et le prince Léopold, avec le corps qu'il commandait, joignit le Roi à Schweidnitz.

Ce n'était pas tout que d'avoir pris Glogau : les troupes étaient encore trop éparpillées pour se joindre au besoin; surtout les quartiers qu'occupait le maréchal de Schwerin en Haute-Silésie, étaient ceux qui causaient le plus d'inquiétude. Le Roi voulut que le maréchal les levât, et qu'il se repliât sur la Neisse, où le Roi pourrait le joindre avec toutes les troupes de la Basse-Silésie. Schwerin n'était pas de ce sentiment; il écrivait que si on voulait le renforcer, il promettait de soutenir ses quartiers jusqu'au printemps. Pour cette fois, le Roi en crut plus son maréchal qu'il ne s'en crut lui-même. Sa crédulité pensa lui devenir fatale; et comme s'il eût fallu accumuler ses fautes, il se mit lui-même à la tête de huit escadrons et de neuf bataillons, pour se rendre à Jägerndorf. Il rencontra le maréchal à Neustadt; la première question fut : « Quelle nouvelle avez-vous des ennemis? » « Aucune, reprit le maréchal, sinon que les troupes autrichiennes sont dispersées le long des frontières depuis la Hongrie jusqu'à Braunau en Bohême; » mais qu'il attendait à tout moment le retour de son espion.

Le lendemain, le Roi arriva à Jägerndorf; son dessein était d'en partir le jour suivant, pour ouvrir la tranchée devant Neisse, où le maréchal Kalckstein l'attendait avec dix bataillons et autant d'esca<78>drons. Le duc de Holstein, qui était alors à Frankenstein, devait y joindre le Roi également avec sept bataillons et quatre escadrons. Lorsque le Roi touchait au moment de son départ,78-21 et qu'il donnait ses derniers ordres au maréchal, comme au prince Léopold, sept dragons autrichiens arrivèrent : on apprit de ces déserteurs qu'ils avaient quitté l'armée à Freudenthal (qui n'est qu'à un mille et demi de Jägerndorf); que leur cavalerie y campait, et qu'elle y attendait l'arrivée de l'infanterie et du canon, pour traverser les quartiers prussiens, et les obliger à lever le blocus de Neisse. Dans ce temps même, on entendit escarmoucher devant la ville; tout le monde crut que l'avant-garde de M. de Neipperg était sur le point d'investir Jägerndorf. Il n'y avait que cinq bataillons dans cette malheureuse ville, cinq pièces de trois livres, et assez de poudre pour quarante charges. La situation aurait été désespérée, si M. de Neipperg avait su en profiter; mais la montagne n'enfanta qu'une souris. Les ennemis voulaient savoir si les Prussiens étaient encore dans leur quartier; pour s'en instruire, leurs troupes légères allaient escarmoucher devant chaque ville, afin de rapporter à leurs officiers ce qui en était.

Les desseins des ennemis s'étant tout manifestés, le Roi ne balança plus un moment pour rassembler l'armée. Les troupes de la Basse-Silésie eurent ordre de passer la Neisse à Sorge, et celles de la Haute-Silésie, de joindre le Roi à Jägerndorf. Le 4 d'avril, le Roi partit pour Neustadt avec tous ces corps rassemblés, en côtoyant l'armée ennemie, qui marchait par Zuckmantel et Ziegenhals vers Neisse. Le lendemain,78-22 il se porta sur Steinau, éloigné d'un mille de Sorge, où il avait fait construire des ponts sur la rivière de Neisse. Il fallut lever le blocus de Brieg, et le général Kleist reçut ordre de joindre l'armée avec son détachement; le duc de Holstein reçut des ordres pareils, réitérés à plusieurs reprises : ceux qui en étaient chargés ne purent<79> les lui rendre; et il demeura tranquillement à Frankenstein, voyant passer l'ennemi à sa droite et à sa gauche sans s'en embarrasser. Des déserteurs de l'armée autrichienne arrivèrent à Steinau; ils déposèrent que le général Lentulus avait joint le même jour le maréchal Neipperg auprès de Neisse. Sur cette nouvelle, les quartiers prussiens furent resserrés à l'instant à l'entour de Steinau, et le Roi choisit un poste où il pût recevoir l'ennemi, au cas qu'il voulût se porter sur les Prussiens. Pour comble d'embarras, le feu prit sur le soir au quartier de Steinau; ce ne fut que par bonheur qu'on sauva le canon et les munitions de guerre par des rues étroites dont toutes les maisons étaient enflammées; les troupes passèrent la nuit au bivouac, sur le terrain que le Roi avait choisi pour son camp.

Le lendemain,79-23 ce petit corps de treize bataillons et de quinze escadrons, après une marche assez fatigante, arriva à Falkenberg. Il y arriva des nouvelles du colonel Stechow qui couvrait le pont de Sorge avec quatre bataillons, qui marquaient que l'ennemi se fortifiait de l'autre côté de la rivière, et faisait même un feu assez vif sur les Prussiens. Le prince Charles y marcha aussitôt avec quatre bataillons, et il avertit le Roi79-a que Lentulus se trouvait sur l'autre bord de la Neisse avec cinquante escadrons, et rendait le passage absolument impraticable, parce que le terrain était trop étroit pour déboucher.

<80>Cela obligea de changer la direction de la marche : on prit la route de Michelau, autre pont sur la Neisse, où le général Marwitz était déjà avec les troupes rassemblées des quartiers de Schweidnitz et du blocus de Brieg. Le pont de Sorge fut levé sans perte de temps, et le soir tous ces différents corps joignirent le Roi.

Le lendemain,80-24 l'armée passa la Neisse à Michelau, dans le dessein de marcher sur Grottkau. Un courrier qui avait passé cette ville, apporta des dépêches au Roi, de sorte qu'il ne se doutait de rien. Une neige qui tombait à gros flocons pressés, interceptait la lumière, et empêchait de discerner les objets. On marchait toujours. Les hussards de l'avant-garde entrèrent dans le village de Leipe, qui est sur ce chemin, et donnèrent, sans le savoir, sur un régiment de hussards ennemis qui y cantonnait. Les Prussiens prirent quarante des ennemis tant à pied qu'à cheval, et l'on apprit d'eux qu'environ avant une demi-heure M. de Neipperg venait de prendre Grottkau : un lieutenant, nommé Mützschefahl, y commandait avec soixante hommes; il se défendit trois heures contre toute l'armée autrichienne. Les déserteurs déposèrent de plus que le lendemain l'ennemi marcherait à Ohlau, pour y prendre la grosse artillerie que le Roi y avait mise en dépôt. Sur cette nouvelle, les différentes colonnes de l'armée, qui étaient toutes en marche, furent aussitôt assemblées. Le Roi la partagea en quatre divisions, qui cantonnèrent dans quatre villages, assez près les unes des autres pour qu'en moins d'une heure elles pussent être assemblées à leur rendez-vous. Le Roi prit son quartier dans les villages de Pogarell et d'Alzenau,80-a d'où il dépêcha différents officiers à la garnison d'Ohlau pour l'avertir de son approche, et pour attirer à lui deux régiments de cuirassiers qui venaient d'arriver dans ces environs; aucun de ces officiers ne put y arriver, à cause des partis ennemis qui infestaient ces contrées.

<81>Le jour suivant, la neige fut si épaisse, qu'à peine distinguait-on les objets à vingt pas; cependant on apprit que l'ennemi s'était approché de Brieg. Si ce mauvais temps avait continué, l'embarras des Prussiens n'aurait fait que s'accroître : les vivres commençaient à devenir rares; il fallait secourir Ohlau, et en cas de malheur il n'y avait aucune retraite; mais la fortune suppléa à la prudence.

Le lendemain, 10 d'avril, le temps parut clair et serein; et, quoique la terre fût couverte de deux pieds de neige, rien ne s'opposait aux opérations qu'on voulait entreprendre. Dès les cinq heures du matin, l'armée se rassembla auprès du moulin de Pogarell : elle consistait en vingt-sept bataillons, vingt-neuf escadrons de cavalerie et trois de hussards. Elle se mit en marche sur cinq colonnes : celle du milieu était d'artillerie; les deux plus voisines du centre, d'infanterie; et les deux aux extrémités des ailes, de cavalerie. Le Roi savait que l'ennemi lui était supérieur en cavalerie : pour obvier à cet inconvénient, il mêla entre les escadrons de chaque aile deux bataillons de grenadiers; c'était une disposition dont Gustave-Adolphe avait fait usage à la bataille de Lützen, et dont selon toute apparence on ne se servira plus.

L'armée s'avança dans cet ordre vers l'ennemi, en suivant la direction du chemin qui mène à Ohlau. Le général Rottembourg,81-a qui menait l'avant-garde, en passant auprès du village de Pampitz prit une vingtaine de prisonniers, qui confirmèrent l'avis que des paysans du village de Mollwitz étaient venus donner au Roi, que l'armée ennemie était cantonnée dans Mollwitz, Grüningen et Hünern. Dès que les colonnes se trouvèrent à deux mille pas environ de Mollwitz, l'armée se déploya pour se mettre en bataille, sans qu'on vît paraître d'ennemis en campagne. La droite devait s'appuyer au village de Herrendorf :81-b M. de Schulenbourg, qui commandait la<82> cavalerie de cette aile, s'y prit si maladroitement, qu'il n'y arriva point : la gauche était appuyée au ruisseau de Laugwitz, dont les bords sont marécageux et profonds. Cependant, comme la cavalerie de la droite n'avait pas donné assez de champ pour l'infanterie, on fut obligé de retirer trois bataillons de la première ligne, dont, par un heureux hasard, on forma un flanc pour couvrir la droite des deux lignes d'infanterie. Cette disposition fut la principale cause du gain de cette bataille. Le bagage fut parqué auprès du village de Pampitz, environ à mille pas derrière les lignes, et le régiment de la Motte,82-25 qui dans ce moment venait joindre l'armée, le couvrit. Rottembourg, avec l'avant-garde, s'approcha de Mollwitz, d'où il vit déboucher les Autrichiens : il aurait dû les attaquer dans ce désordre, s'il n'avait eu des ordres précis de ne rien engager; ainsi il ramena sa troupe à l'aile droite, dont elle faisait partie.

Il doit paraître étonnant qu'un général expérimenté comme M. de Neipperg se fût laissé surprendre de cette manière; il était cependant excusable. Il avait donné des ordres à différents officiers de hussards de battre la campagne, surtout vers le chemin de Brieg : soit paresse, soit négligence, ces officiers ne s'acquittèrent pas de leur devoir, et le maréchal n'eut des nouvelles de l'approche du Roi qu'en voyant son armée en bataille vis-à-vis de ses cantonnements. M. de Neipperg fut réduit à mettre ses troupes en bataille sous le feu du canon prussien, qui était promptement et bien servi; son aile droite de cavalerie, sous les ordres de M. de Römer,82-a arriva la première. Cet officier intelligent et déterminé, vit que l'aile droite des Prussiens était plus près de Mollwitz que la gauche; il comprit qu'en restant dans son poste, M. de Neipperg risquait d'être battu avant que la ca<83>valerie de sa gauche fût arrivée, et, sans attendre l'ordre de personne, il résolut d'attaquer la droite des Prussiens. M. de Schulenbourg, pour gagner le village de Herrendorf, fit très-maladroitement par escadrons un quart de conversion à droite; M. de Römer, qui s'en aperçut, sans se former donna à bride abattue et en colonne sur cette aile que M. de Schulenbourg commandait : les trente escadrons des troupes de la Reine qu'il menait, culbutèrent dans l'instant les dix escadrons prussiens, dont chacun leur prêtait le flanc gauche. Cette cavalerie en déroute passa devant et entre les lignes de l'infanterie, qu'elle aurait culbutée, si l'infanterie n'avait fait feu sur ces fuyards; ce qui en même temps écarta les ennemis. M. de Römer y fut tué; mais ce qui doit surprendre tout militaire, c'est que ces deux bataillons de grenadiers qui avaient été entrelacés entre les escadrons de la droite, se soutinrent seuls, et se joignirent, en bon ordre, à la droite de l'infanterie. Le Roi, qui croyait rallier la cavalerie comme on arrête une meute de cerfs, fut entraîné dans leur déroute jusqu'au centre de l'armée, où il parvint à rallier quelques escadrons, qu'il ramena à la droite. Ils furent obligés d'attaquer les Autrichiens à leur tour; mais des troupes battues et ramassées à la hâte ne tiennent guère; ils se débandèrent, et M. de Schulenbourg périt dans cette charge.83-a La cavalerie ennemie, victorieuse, tombant alors sur le flanc droit de l'infanterie prussienne, où nous avons dit qu'avaient été placés trois bataillons qui n'avaient point place dans la première ligne, cette infanterie fut vigoureusement attaquée à trois reprises : des officiers autrichiens tombèrent blessés entre ses rangs; elle désarçonna à coups de baïonnette des cavaliers ennemis, et, à force de valeur, elle repoussa cette cavalerie, qui y perdit beaucoup de monde. M. de Neipperg<84> saisit ce moment; son infanterie s'ébranla pour entamer la droite des Prussiens, dépourvue de cavalerie; secondé de sa cavalerie autrichienne, il fit des efforts incroyables pour enfoncer les troupes du Roi, mais inutilement : cette valeureuse infanterie résistait comme un rocher à leurs attaques, et par son feu leur détruisit beaucoup de monde.

A la gauche des Prussiens, les choses étaient moins hasardées : cette aile, qu'on avait refusée à l'ennemi, était appuyée au ruisseau de Laugwitz; au delà de ce marais, la cavalerie du Roi avait chargé celle de la reine de Hongrie, et l'avait battue. Cependant le feu de l'infanterie de la droite durait depuis près de cinq heures avec beaucoup de vivacité; les munitions des soldats étaient consumées, et ils dépouillaient les fournitures des morts pour trouver de la poudre à charger. La crise était si violente, que de vieux officiers croyaient les affaires sans ressource,84-a et prévoyaient le moment où ce corps sans munition serait obligé de se rendre à l'ennemi; mais il n'en fut pas ainsi, et cela doit apprendre aux jeunes militaires à ne pas désespérer trop vite, car non seulement l'infanterie se soutint, mais elle gagna du terrain sur l'ennemi. Le maréchal de Schwerin, qui s'en aperçut, fit alors un mouvement avec sa gauche, qu'il porta sur le flanc droit des Autrichiens. Ce mouvement fut le signal de la victoire, et de la défaite des ennemis : leur déroute fut totale; la nuit empêcha les Prussiens de poursuivre leurs avantages au delà du village de Laugwitz. Alors arrivèrent ces dix escadrons d'Ohlau,84-b mais trop tard; une chaussée qu'ils avaient à passer pour joindre l'armée, leur avait été barrée par les hussards autrichiens, qui les arrêtèrent longtemps à ce débouché, et<85> ils ne l'abandonnèrent qu'en voyant les leurs en fuite. Cette journée coûta à l'armée de la Reine cent quatre-vingts officiers, sept mille morts, tant cavaliers que fantassins; ils perdirent sept pièces de canon, trois étendards et mille deux cents hommes qui furent faits prisonniers. Du côté des Prussiens, on compta deux mille cinq cents morts, parmi lesquels était le margrave Frédéric,85-a cousin du Roi; et trois mille blessés. Le premier bataillon des gardes, sur lequel tomba l'effort principal de l'ennemi, y perdit la moitié de ses officiers; et de huit cents hommes dont il était composé, il n'en resta que cent quatre-vingts en état de faire le service.

Cette journée devint une des plus mémorables de ce siècle, parce que deux petites armées y décidèrent du sort de la Silésie, et que les troupes du Roi y acquirent une réputation que le temps ni l'envie ne pourront leur ravir.

Le lecteur aura remarqué sans doute dans le récit de cette ouverture de campagne, que c'était à qui ferait le plus de fautes, du Roi ou du maréchal Neipperg. Si le général autrichien était supérieur par ses projets, les Prussiens l'étaient par l'exécution. Le plan de M. de Neipperg était sage et judicieux : en entrant en Silésie, il sépare les quartiers du Roi; il pénètre à Neisse, où Lentulus le joint, et il est sur le point non seulement de s'emparer de l'artillerie royale, mais encore d'enlever aux Prussiens leurs magasins de Breslau, les seuls qu'ils avaient. Mais M. de Neipperg aurait pu surprendre le Roi à Jägerndorf, et par ce coup seul terminer toute cette guerre; de Neisse il aurait pu enlever le corps du duc de Holstein, qui cantonnait à un mille de là; avec un peu plus d'activité, il aurait pu empêcher le Roi de passer la Neisse à Michelau; de Grottkau encore il aurait dû marcher jour et nuit pour prendre Ohlau, et couper le Roi de Breslau :<86> au lieu de saisir ces occasions, par une sécurité impardonnable il se laissa surprendre, et fut battu en grande partie par sa propre faute.

Le Roi donna encore plus de prise que lui à la censure : il fut averti à temps du projet des ennemis, et il ne prit aucune mesure suffisante pour s'en garantir; au lieu de marcher à Jägerndorf, pour éparpiller encore plus ses troupes, il aurait dû rassembler toute son armée, et la placer en cantonnements resserrés aux environs de Neisse; il se laissa couper du duc de Holstein, et se mit dans la nécessité de combattre dans une position où, en cas de malheur, il n'avait aucune retraite, où il risquait de perdre l'armée, et de se perdre lui-même; arrivé à Mollwitz, où l'ennemi cantonnait, au lieu de marcher avec vivacité pour séparer les cantonnements des troupes de la Reine, il perd deux heures à se former méthodiquement devant un village où aucun ennemi ne paraissait. S'il avait seulement attaqué ce village de Mollwitz, il y eût pris toute cette infanterie autrichienne, à peu près de même que vingt-quatre bataillons français le furent à Blenheim; mais il n'y avait dans son armée que le maréchal de Schwerin qui fût un homme de tête et un général expérimenté. Il régnait beaucoup de bonne volonté dans les troupes; mais elles ne connaissaient que les petits détails, et, faute d'avoir fait la guerre, elles n'allaient qu'en tâtonnant, et craignaient les partis décisifs. Ce qui sauva proprement les Prussiens, ce fut leur valeur et leur discipline. Mollwitz fut l'école du Roi et de ses troupes : ce prince fit des réflexions profondes sur toutes les fautes qu'il avait faites, et il tâcha de s'en corriger dans la suite.

Le duc de Holstein avait eu occasion de frapper un grand coup; mais pour lui les occasions étaient perdues. N'ayant point reçu d'ordre du Roi, il avait marché, sans trop savoir pourquoi, d'Ottmachau à Strehlen; il s'y trouva précisément le jour de la bataille, et entendit le feu des deux armées. Le 11, toutes les troupes des Autrichiens en déroute passèrent à un mille de son poste : il en aurait pu détruire les<87> restes; mais, faute de savoir prendre une résolution, il laissa le champ libre à M. de Neipperg, qui rassembla ses fuyards de l'autre côté de la ville de Neisse; et le duc de Holstein joignit tranquillement l'armée du Roi auprès d'Ohlau. Après sa jonction et l'arrivée d'autres renforts, ce corps rassemblé consistait en quarante-trois bataillons, soixante-six escadrons de cavalerie et trois de hussards.

Pour profiter de cette victoire, il fut résolu d'entreprendre le siége de Brieg. Le maréchal de Kalckstein fut chargé de la conduite de ce siége, et l'armée du Roi se campa auprès de Mollwitz pour le couvrir. Huit jours après l'ouverture de la tranchée, M. Piccolomini, qui était commandant de la place, capitula avant que son chemin couvert fût emporté, et lorsqu'il n'y avait encore aucune brèche aux ouvrages. L'armée resta trois semaines au camp de Mollwitz, pour donner le temps de combler les tranchées, et de ravitailler la place de Brieg, dont toutes les munitions avaient été consumées. Le Roi profita de cette inaction pour exercer sa cavalerie, pour lui apprendre à manœuvrer et à changer sa pesanteur en célérité; elle fut souvent envoyée en parti pour que les officiers apprissent à profiter du terrain, et qu'ils prissent plus de confiance en eux-mêmes.

Dans ce temps, Winterfeldt, le même qui avait négocié une alliance en Russie, fit un si beau coup à la tête d'un détachement, qu'il acquit la réputation d'être aussi bon officier que bon négociateur : il surprit et battit le général Baranyai à Rothschloss, et lui prit trois cents prisonniers. Comme les Prussiens jouissaient de la faveur du pays, ils avaient les meilleures nouvelles; ce qui leur procura à la petite guerre plusieurs avantages. Cependant nous ne rapporterons point toutes les actions semblables, par exemple, comment les Autrichiens ruinèrent auprès de Leubus un nouveau régiment de hussards de Bandemer; comment ils prirent une centaine d'uhlans auprès de Strehlen; comment ils brûlèrent Zobten; comment les Prussiens les battirent à Friedewalde et en d'autres rencontres : parce que ce n'est<88> pas l'histoire des hussards, mais celle de la conquête de la Silésie, que nous nous sommes proposé de décrire.

La bataille qui en avait presque décidé, causa des sensations bien différentes en Europe. La cour de Vienne, qui s'attendait à des succès, s'irrita et s'aigrit de ses pertes : dans l'espérance d'avoir sa revanche, elle tira des troupes de la Hongrie et quantité de milices, dont elle renforça M. de Neipperg. Le roi d'Angleterre et celui de Pologne commencèrent à respecter l'armée commandée par le prince d'Anhalt, que d'abord ils avaient méprisée. L'Empire était comme étourdi d'apprendre que de vieilles bandes autrichiennes avaient été défaites par des troupes peu expérimentées. En France, on se réjouit de cette victoire : la cour se flattait qu'en se mêlant de cette guerre, elle arriverait à temps pour donner le coup de grâce à la maison d'Autriche.

Par une suite de cette disposition favorable, le maréchal de Belle-Isle, ambassadeur de France à la diète d'élection qui se tenait à Francfort, vint dans le camp88-26 du Roi lui proposer de la part de son maître un traité d'alliance, dont les articles principaux roulaient sur l'élection de l'électeur de Bavière, sur le partage et le démembrement des provinces de la reine de Hongrie, et sur la garantie que la France promettait donner de la Basse-Silésie, à condition que le Roi renonçât à la succession des duchés de Juliers et de Berg, et qu'il promît sa voix à l'électeur de Bavière. Ce traité fut ébauché, et il fut stipulé de plus que la France enverrait deux armées dans l'Empire, dont l'une irait au secours de l'électeur de Bavière, et l'autre s'établirait en Westphalie, pour en imposer en même temps aux Hanovriens et aux Saxons; et qu'enfin, préférablement à tout, la Suède déclarerait la guerre à la Russie, pour lui donner de l'occupation sur ses propres frontières. Ce traité, tel avantageux qu'il paraissait, ne fut pas signé. Le Roi ne voulait rien précipiter dans des démarches d'aussi grande conséquence, et il se réservait ce parti comme une dernière ressource.<89> Le maréchal de Belle-Isle se livrait souvent trop à son imagination; on aurait dit, à l'entendre, que toutes les provinces de la reine de Hongrie étaient à l'encan. Un jour qu'il se trouvait auprès du Roi, ayant un air plus occupé et plus rêveur que d'ordinaire, ce prince lui demanda s'il avait reçu quelque nouvelle désagréable? « Aucune, répondit le maréchal; mais ce qui m'embarrasse, Sire, c'est que je ne sais ce que nous ferons de cette Moravie. » Le Roi lui proposa de la donner à la Saxe, pour attirer par cet appât le roi de Pologne dans la grande alliance : le maréchal trouva l'idée admirable, et l'exécuta dans la suite.

Ce n'était pas à la France seule que se bornaient les négociations des Prussiens; elles s'étendaient en Hollande, en Angleterre et par toute l'Europe. Sur quelques propositions qui avaient été jetées en avant dans une lettre que le Roi avait écrite au roi d'Angleterre, ce prince avait répondu89-27 que ses engagements l'obligeaient, à la vérité, à soutenir l'indivisibilité de la succession de Charles VI, et qu'il voyait avec peine la rupture de la bonne intelligence entre les Prussiens et les Autrichiens; qu'il offrait cependant volontiers ses bons offices pour moyenner une réconciliation entre ces deux cours : il envoya le lord Hyndford comme ministre d'Angleterre, et le sieur Schwicheldt comme ministre de Hanovre. Ces deux négociateurs étaient, quoiqu'au service du même prince, chargés d'instructions toutes différentes. Le Hanovrien voulait qu'on achetât la neutralité de son maître en lui garantissant les évêchés de Hildesheim, d'Osnabrück et les bailliages qui lui sont hypothéqués dans le Mecklenbourg : on lui donna un contre-projet dans lequel les intérêts de la Prusse étaient mieux ménagés. L'Anglais offrait les bons offices de son maître pour engager la reine de Hongrie à la cession de quelques principautés de la Basse-Silésie : on éluda d'entrer sur ces points dans une négociation formelle, avant d'être préalablement instruit des dispositions où se<90> trouvait la cour de Vienne. Ces ministres étaient dans le camp du Roi, et il paraissait singulier que le lord Hyndford donnât plus d'ombrage au sieur Schwicheldt que le maréchal de Belle-Isle, d'autant plus que ce Hanovrien recommandait sur toute chose qu'on fît un mystère de ses négociations au ministre d'Angleterre.

Ces Anglais et ces Hanovriens qui flattaient le Roi dans son camp, ne voulaient que l'endormir : ils n'en agissaient pas de même dans les autres cours de l'Europe. En Russie, Finch, ministre anglais, y soufflait la guerre; les intrigues du comte de Botta et les charmes du beau Lynar perdirent ce brave maréchal Münnich. Le prince de Brunswic, général en chef de la Russie, poussé par sa grand'mère, par l'Impératrice douairière, et par ces ministres étrangers, qui étaient autant de boute-feux, allait incessamment engager la Russie à déclarer la guerre à la Prusse. Les troupes s'assemblaient déjà en Livonie; le Roi en était informé, et c'est ce qui lui inspirait de la méfiance pour les Anglais, dont il découvrait la duplicité. Les intrigues anglaises avaient également extorqué du grand pensionnaire de Hollande une lettre déhortatoire90-28 pour engager le Roi à retirer ses troupes de la Silésie.

Toutes ces machinations des Anglais, et surtout ce qu'on prévoyait en Russie, déterminèrent enfin le Roi à signer son traité avec la France,90-a aux conditions dont il était convenu avec le maréchal de Belle-Isle. On y ajouta les deux articles suivants : que les Français commenceraient leurs opérations avant la fin d'août; et que ce traité serait tenu secret jusqu'à ce que sa publication ne pût plus porter de préjudice aux intérêts des Prussiens. On ne perdit pas de temps pour conclure cette alliance; il fallait se presser : on voyait éclater la mauvaise volonté des Russes; on voyait aux troupes hanovriennes, qui campaient déjà depuis le mois d'avril, joints six mille Danois et six mille Hessois auxquels l'Angleterre donnait des subsides; les Saxons,<91> de leur côté, se préparaient de même, et il était question de joindre leurs troupes à celles des Hanovriens. Il ne restait donc qu'à gagner du temps, pour que le secours des Français pût arriver, et amuser le mieux qu'on le pouvait le lord Hyndford et le sieur Schwicheldt, pour qu'ils ne pussent pas même soupçonner le traité qu'on venait de signer avec la France. Le Roi et ses ministres y réussirent si bien, que cette négociation qui paraissait toujours sur le point d'être terminée, s'accrochait toujours à quelque nouvelle circonstance qui obligeait l'Anglais de demander à sa cour de plus amples instructions; on était sur le point de conclure, et on ne finissait jamais.

Le camp du Roi avait pris la forme d'un congrès; mais l'armée se mit en mouvement, et elle reprit le ton militaire. Dès que la ville de Brieg fut ravitaillée, l'armée se mit en marche, et vint camper auprès de Grottkau. M. de Neipperg était à trois milles de là, derrière la ville de Neisse, où il s'était mis dans un camp inexpugnable. On changea de camp pour la commodité des subsistances; l'armée occupa les hauteurs de Strehlen, d'où, en s'approchant de Breslau, elle pouvait tirer ses vivres et nourrir la cavalerie à sec le reste de la campagne. De ce poste elle était à une égale portée de Brieg et de Schweidnitz, et couvrait toute la Basse-Silésie. On profita des deux mois qu'on resta dans cette position, pour recruter l'infanterie et remonter la cavalerie; ce qui se fit avec tant de succès, que l'armée n'avait pas été plus complète en entrant en campagne qu'elle ne l'était alors.

Tandis que le Roi s'occupait à rendre son armée plus formidable, M. de Neipperg formait des projets dangereux si on lui avait laissé le temps de les exécuter. Nous croyons qu'il ne sera pas hors de propos de rapporter de quelle façon le Roi parvint à les découvrir. Il y avait à Breslau un nombre considérable de vieilles dames natives de l'Autriche et de la Bohême, et depuis longtemps établies en Silésie; leurs parents étaient à Vienne, à Prague; quelques-uns servaient dans l'armée de Neipperg. Le fanatisme de la religion catholique et l'orgueil<92> autrichien augmentaient leur attachement pour la reine de Hongrie; elles frémissaient de colère au seul nom prussien; elles cabalaient sourdement, elles intriguaient, elles entretenaient des correspondances dans l'armée de M. de Neipperg par le moyen de moines et de prêtres qui leur servaient d'émissaires; elles étaient instruites de tous les desseins des ennemis. Ces femmes, pour se conforter entre elles, avaient établi ce qu'elles appelaient leurs assises, où presque tous les soirs elles s'assemblaient, se communiquaient leurs nouvelles, et délibéraient entre elles des moyens qu'on pourrait employer pour expulser une armée hérétique de la Silésie, et détruire tous les mécréants. Le Roi était instruit en gros de ce qui se passait dans ces conventicules, et il n'épargna rien pour faire glisser dans ces assises une fausse sœur, qui, sous prétexte de haine envers les Prussiens, y serait bien reçue, et pourrait avertir de tout ce qui s'y tramait. C'est par ce canal qu'on apprit que M. de Neipperg s'était proposé par ses mouvements d'éloigner le Roi de Breslau; de s'y rendre alors par des marches forcées; et, par le moyen des intelligences qu'il avait dans cette capitale, de s'en emparer. C'était prendre aux Prussiens tous leurs magasins, et leur couper en même temps la communication qu'au moyen de l'Oder ils conservaient avec l'Électoral.

Il fut aussitôt résolu de prévenir l'ennemi à tout prix, et de rompre la neutralité avec la ville de Breslau, à laquelle ses magistrats avaient porté plus d'une atteinte. Sur cela, les syndics et les échevins les plus attachés à la maison d'Autriche furent mandés au camp du Roi; on y invita en même temps les ministres étrangers, pour ne point exposer leur personne aux désordres auxquels une surprise peut donner lieu. On détacha en même temps quelques bataillons, qui arrivèrent par différentes routes au faubourg.92-29 On demanda à la ville le passage pour un régiment : pendant qu'il entrait par une porte, un chariot s'embarrassa dans une autre; trois bataillons et cinq escadrons en<93> profitèrent pour se glisser dans la ville. L'infanterie occupa les remparts, les places, et consigna les portes; la cavalerie nettoya les rues principales. En moins d'une heure tout fut soumis; on ne commit aucun désordre, ni pillage, ni meurtre : la bourgeoisie prêta l'hommage. Trois bataillons y restèrent en garnison,93-30 et les autres vinrent rejoindre l'armée.

M. de Neipperg, qui ne se doutait pas qu'il fût découvert, s'était porté sur Frankenstein, dans l'espérance que le Roi tomberait tout de suite sur Neisse, et qu'alors il exécuterait son projet sur Breslau; mais s'apercevant que son coup avait manqué, il voulut s'en dédommager en enlevant le magasin que les Prussiens avaient à Schweidnitz. Cela encore ne lui réussit pas : il fut prévenu. L'avant-garde du Roi arriva en même temps que la sienne à Reichenbach; celle des Autrichiens rebroussa chemin, et se replia sur Frankenstein. Le Roi fut joint à Reichenbach par de nouvelles levées, consistant en dix escadrons de dragons et treize de hussards. M. de Neipperg avait judicieusement choisi sa position : il entretenait sa communication avec la forteresse de Neisse par Patschkau; il tirait ses vivres de la Bohême par Glatz, et fourrageait un pays qu'il ne pouvait pas conserver; sa droite était appuyée à Frankenstein, sa gauche, sur des collines non loin de Silberberg; et deux ruisseaux couvraient son front, et le rendaient inabordable. Ces difficultés animèrent le Roi; il voulut avoir l'honneur de faire décamper les Autrichiens, et de les rejeter en Haute-Silésie. Mais, avant que d'en venir à cette opération, il ne sera pas hors de propos de jeter auparavant un coup d'œil sur ce qui se passait dans le reste de l'Europe.

La reine de Hongrie commençait alors à voir le péril qui la menaçait : les Français passaient le Rhin, et longeaient le Danube à grandes journées. La peur abattit sa fierté; elle dépêcha le sieur Robinson, qui était ministre à sa cour de la part du roi d'Angleterre,<94> pour essayer quelques propositions d'accommodement. Ce Robinson, prenant le ton de hauteur, dit au Roi que la Reine voulait bien oublier le passé; qu'elle lui offrait le Limbourg, la Gueldre espagnole, et deux millions d'écus, en dédommagement de ses prétentions sur la Silésie, à condition qu'il fît la paix, et que ses troupes évacuassent incessamment ce duché. Ce ministre était une espèce de fou, d'enthousiaste de la reine de Hongrie; il négociait avec l'emphase dont il aurait harangué dans la chambre basse. Le Roi, assez enclin à saisir les ridicules, prit le même ton, et lui répondit : « Que c'était à des princes sans honneur à vendre leurs droits pour de l'argent; que ces offres lui étaient plus injurieuses que n'avait été la méprisante hauteur de la cour de Vienne; et, haussant le ton, mon armée, dit-il, me trouverait indigne de la commander, si je perdais par un traité flétrissant les avantages qu'elle m'a procurés par des actions de valeur qui l'immortalisent. Sachez de plus que je ne puis abandonner sans la plus noire ingratitude mes nouveaux sujets, tous ces protestants qui m'ont appelé par leurs vœux. Voulez-vous que je les livre comme des victimes à la tyrannie de leurs persécuteurs, qui les sacrifieraient à leur vengeance? Ah! comment démentirai-je en un seul jour les sentiments d'honneur et de probité avec lesquels je suis né? et si j'étais capable d'une action aussi lâche, aussi infâme, je croirais voir sortir mes ancêtres de leurs tombeaux. Non, me diraient-ils, tu n'es plus notre sang : tu dois combattre pour les droits que nous t'avons transmis, et tu les vends! tu souilles l'honneur que nous t'avons laissé comme la partie la plus précieuse de notre héritage : indigne d'être prince, d'être roi, tu n'es qu'un infâme marchand qui préfère le gain à la gloire. Non, jamais, non, je ne mériterai de tels reproches; je me laisserai ensevelir, moi et mon armée, sous les ruines de la Silésie, plutôt que de consentir que l'honneur et la gloire du nom prussien reçoive la moindre tache. C'est la seule réponse, monsieur, que je puisse vous donner. » Robinson fut étourdi de ce discours, auquel il<95> ne s'attendait pas. Il retourna le porter à Vienne. Mais en renvoyant le fanatique, le Roi continuait à flatter le lord Hyndford, et à l'endormir dans une parfaite sécurité : il n'était pas encore temps de se découvrir. Et pour ménager les puissances maritimes, on leur communiqua les propositions du sieur Robinson; on excusa le Roi sur son refus, en alléguant que sachant que le traité de Barrière liait les mains à la reine de Hongrie, on n'avait pas voulu accepter les cessions qu'elle voulait faire du Limbourg et de la Gueldre : ce fut surtout en Hollande qu'on appuya beaucoup sur la déférence que le Roi marquait pour les intérêts de cette république, qu'il pousserait à refuser le Brabant même, si on voulait le lui offrir. Ce fut environ alors que la Prusse signa son traité avec la Bavière;95-a elle lui promit sa voix à la diète d'élection. Ces deux princes se garantirent mutuellement, l'un, la Silésie à la Prusse, l'autre, la Haute-Autriche, le Tyrol, le Brisgau et la Bohême à la Bavière. Le Roi acheta de cet électeur la principauté de Glatz pour quatre cent mille écus, que le Bavarois vendit sans l'avoir jamais possédée.

Mais un des événements les plus avantageux et les plus décisifs qui arrivèrent alors, éclata dans le Nord : la Suède déclara la guerre à la Russie, et détruisit par cette diversion tous les desseins du roi d'Angleterre, du roi de Pologne et du prince Antoine-Ulric contre la Prusse. Le roi Auguste, déchu des belles espérances de partager avec le roi d'Angleterre les États du Roi, se laissa entraîner au torrent, et, faute de mieux, se ligua avec l'électeur de Bavière pour anéantir la maison d'Autriche. Le maréchal de Belle-Isle qui n'avait su que faire de la Moravie et du Ober-Manhardsberg, les érigea en royaume, et les donna aux Saxons, qui, moyennant cette aubaine, signèrent leur traité le 31 d'août. La cour de Vienne, qui ne pouvait plus compter sur la diversion des Russes, pressée de tous côtés, renvoya dans le camp prussien son négociateur anglais; il y apporta une carte de la<96> Silésie où la cession de quatre principautés était marquée dessus avec une raie d'encre : il fut froidement reçu, et on lui donna à connaître que ce qui peut être bon dans un temps, ne l'est plus dans un autre. Les cours de Londres et de Vienne avaient trop compté sur le secours des Russes; selon leur calcul, il fallait infailliblement que le Roi, humilié, rabaissé, leur demandât la paix à genoux : il s'en manqua peu que le contraire n'arrivât. Tels sont ces jeux de la fortune si communs à la guerre, et qui déroutent l'art conjectural des plus habiles politiques.

Déjà les Français et les Bavarois étaient en pleine action. L'Autriche était entamée, les troupes s'approchaient de Linz. Ce n'était que par des efforts communs et unanimes qu'on pouvait espérer de terrasser la reine de Hongrie; il n'était plus temps de rester dans un camp les bras croisés. Le Roi, qui brûlait d'impatience d'agir, tenta de couper M. de Neipperg de la forteresse de Neisse, et de le combattre en marche. Ce projet n'était pas mal imaginé; mais il manqua par l'exécution. M. de Kalckstein fut commandé avec dix mille hommes et des pontons, pour se porter avec célérité au village de Woitz, et y jeter un pont, afin que l'armée qui le suivait de près, le pût passer à son arrivée. Il partit au coucher du soleil; il marcha toute la nuit, et se trouva le lendemain à une portée de canon du camp. Soit lenteur ou mauvaise disposition de sa part, soit que les chemins gâtés et rompus par les pluies l'eussent arrêté, l'armée dépassa son avant-garde, et arriva même avant lui au camp de Toupadel96-a et de Siegroth. Ce jour de perdu ne put plus se réparer; le Roi marcha lui-même à Woitz,96-31 et fit établir ses ponts sur la Neisse; mais l'armée autrichienne, rangée en ordre de bataille, se présenta environ à huit cents pas de la rivière. Par quelques prisonniers que l'on fit, on apprit que M. de Neipperg n'avait devancé le Roi que de quelques heures. L'armée ne pouvait<97> arriver à ce pont qu'en deux heures de temps : on aurait pu le passer, si l'ennemi n'avait pas prévenu le Roi; mais ç'aurait été de toutes les imprudences la plus grande, que de passer sur un pont en présence d'une armée qui certainement eût battu les troupes en détail, et à mesure qu'elles auraient pris du terrain pour se former. Cela fit résoudre de se poster pour ce jour sur les hauteurs de Woitz. Peu de temps après, les Prussiens prirent le camp de Neundorf; et pour tirer leurs subsistances de la ville de Brieg, ils en assurèrent la communication en occupant les postes de Löwen et de Michelau.

Les orages qui menaçaient la maison d'Autriche, et les dangers qui devenaient plus pressants de jour en jour, firent enfin résoudre sérieusement la reine de Hongrie à se débarrasser d'un de ses ennemis, pour rompre la ligue formidable qui allait l'accabler. Elle demanda sérieusement la paix; elle ne chicana plus sur la ville de Breslau; elle insista seulement pour conserver celle de Neisse. Le lord Hyndford, qui négociait alors en son nom, prétendait que le Roi, en faveur d'aussi grandes cessions, devait assister la reine de Hongrie de toutes ses forces. Le Roi lui répondit qu'il était fâché de se trouver dans la nécessité de rejeter ces offres, mais qu'il ne pouvait pas violer la foi des traités qu'il venait de signer avec la France et la Bavière. La désolation était si grande à Vienne, qu'on y attendait les Bavarois d'un moment à l'autre : les chemins n'étaient remplis que de gens qui prenaient la fuite; la cour était sur son départ. Dans cette consternation générale, l'Impératrice douairière écrivit au prince Ferdinand de Brunswic, qui servait dans l'armée, la lettre suivante; elle est trop singulière pour qu'on la passe sous silence.

Vienne, 17 septembre 1741.



Mon cher neveu,

Je romps un silence cruel, que votre conduite en servant contre nous m'a imposé; ni je le ferais, si j'avais d'autres voies pour conjurer<98> le roi de Prusse de me rendre en lui un neveu, que je ne puis nommer cher et digne d'estime après l'affliction que vous deux me causez. La consolation en est entre les mains du Roi. La reine ma fille lui accorde tout ce que personne ne saurait garantir qu'elle-même, s'il aide à la mettre en cet état en entière tranquillité, et que le Roi aide à éteindre le feu qu'il a lui-même allumé, et n'agrandisse lui-même ses propres ennemis; car il ne faut que la mort de l'Électeur palatin pour lui en attirer d'autres; plus, que l'agrandissement de Bavière et de Saxe ne peut souffrir qu'il possède tranquillement ce que la Reine lui a laissé en Silésie. Ainsi, persuadez le Roi de devenir notre bon allié, d'assister la Reine de troupes à conserver des États que tant d'ennemis accablent; car c'est même l'avantage des deux maisons s'ils sont en étroite alliance, leurs pays étant à portée de se pouvoir aider à soutenir leurs droits réciproques. Je compte tout sur votre représentation, et sur les belles qualités que possède le Roi, qui, nous ayant attiré le mal, voudra aussi avoir l'honneur de nous sauver en son temps du précipice, et avoir quelques égards même pour ses propres intérêts, pour une mère et tante affligée, qui après pourra sans rancune se dire

Votre affectionnée tante,
Élisabeth.

Le prince Ferdinand répondit en substance à l'Impératrice douairière, que le Roi ne pourrait pas avec honneur se départir des engagements qu'il avait pris avec la France et la Bavière, qu'il compatissait et plaignait sincèrement l'Impératrice, qu'il voudrait pouvoir changer sa situation et y compatissait, mais que les temps où il était libre de s'accommoder avec la cour de Vienne étaient passés.

On intercepta, à peu de jours de différence, une lettre que l'Impératrice douairière écrivait au prince Louis de Brunswic, qui se<99> trouvait alors en Russie; elle était plus sincère, quoique le style n'en valût pas mieux. En voici la copie tirée sur l'original.

21 septembre 1741.



Mon cher neveu,

L'état de nos affaires ont pris un pli si accablant, que l'on peut dire notre cas un abandon général; car plus aucun n'est pour nous. Ce qui nous console dans notre malheur, est que Dieu précipitera plus d'un Pharaon dans la mer Rouge, et confondra nos faux simulés amis. Il n'est pas possible que la plupart croient plus qu'il y a un Dieu. Vrai est-il, les fausses apparences ne m'ont pas endormie, et malgré que l'électeur de Bavière nous a attiré les Français, et me chasse d'ici, je l'estime un digne prince : il n'a point simulé, ni été faux; il s'est démasqué d'abord, et agi honnêtement. Je doute de vous écrire plus d'ici. C'est une triste année pour moi. Conservez-nous l'alliance, et qu'ils se gardent de faux et simulés amis, qui suis

Votre affectionnée tante,
Élisabeth.

Le style de ces lettres découvre combien la cour de Vienne avait le cœur ulcéré des progrès des Prussiens en Silésie, et que cette cour ne respirait que la vengeance. Mais quelle dialectique! quiconque attaque la maison d'Autriche ne saurait croire en Dieu! offrir la paix lorsqu'on est libre de la faire, et refuser des conditions proposées après d'autres traités signés, s'appelle fausseté, perfidie! C'est le langage de l'amour-propre et de l'orgueil, qui supprime l'exactitude du raisonnement. Ainsi à Vienne on envisageait l'alliance formée contre la pragmatique sanction comme la guerre des Titans, qui voulaient escalader les cieux pour détrôner Jupiter.

<100>De leur côté, les Suédois n'étaient pas aussi heureux que leurs alliés : un détachement de douze mille hommes avait été taillé en pièces par les Russes, auprès de Willmanstrand. Cet échec était considérable pour ce royaume affaibli et ruiné depuis Charles XII. La France en fut mortifiée; elle se proposa de redresser d'un autre côté le revers qu'avaient essuyé ses alliés : elle voulut que le maréchal de Maillebois, avec l'armée qu'il commandait en Westphalie, pénétrât dans l'électorat de Hanovre, pour se rendre maître de ces États. Le Roi fit une grande faute alors en employant tout son crédit pour dissuader les Français de ce dessein, alléguant que par cette entreprise ils se rendraient odieux à l'Europe, révolteraient contre eux tous les princes d'Allemagne; et qu'allant s'attacher à un objet de peu d'importance, ils négligeraient l'objet principal, qui était d'écraser la reine de Hongrie avec toutes leurs forces. Les Français auraient pu réfuter facilement un raisonnement aussi faible : s'ils avaient pris alors l'électorat de Hanovre, jamais le roi d'Angleterre n'aurait pu faire des diversions sur le Rhin, comme en Flandre.

Il ne manquait plus que la garantie de la France au traité que le Roi avait fait avec l'électeur de Bavière. On pressait M. de Valori de la procurer : sa cour faisait encore des difficultés sur la cession de la principauté de Glatz, et sur quelques portions de la Haute-Silésie. Il lui arriva, étant auprès du Roi, de laisser tomber par hasard un billet de sa poche : sans faire semblant de rien, le Roi mit le pied dessus;100-a il congédia le ministre au plus vite. Ce billet était de M. Amelot, secrétaire des affaires étrangères; il portait de n'accorder Glatz et la Haute-Silésie à la Prusse qu'au cas qu'il en résultât un plus grand inconvénient s'il les refusait. Après cette découverte, M. de Valori fut obligé d'en passer par où l'on voulut. Les desseins des Français sur le pays de Hanovre s'ébruitèrent, et parvinrent bientôt au roi d'Angleterre. Ce prince crut son électorat perdu : il n'avait pas le temps<101> de parer ce coup qui le menaçait de si près. Les mesures qu'il avait prises avec la Russie et la Saxe lui ayant également manqué, il voulut tout de bon travailler à moyenner la paix entre le roi de Prusse et la reine de Hongrie. En conséquence de cette résolution, le lord Hyndford se rendit au camp autrichien; de là il fit des remontrances si fortes à la cour de Vienne, il la pressa avec tant d'énergie, en lui exposant que pour sauver le reste de ses États il fallait savoir en perdre à propos une partie, que cette cour consentit à la cession de la Silésie, de la ville de Neisse, et d'une lisière en Haute-Silésie, en renonçant à toute assistance contre ses ennemis.

Le Roi, qui connaissait la duplicité des Anglais et des Autrichiens, prit ces offres pour des piéges. Et pour ne point se laisser amuser par de belles paroles qui l'auraient retenu oisif dans son camp, il déroba une marche à l'ennemi, passa la Neisse à Michelau, et vint le lendemain camper à Kaltecker, tandis qu'un détachement s'empara d'Oppeln, où l'on établit le dépôt des vivres. Sur ces mouvements, M. de Neipperg quitta Neisse, et se porta sur Oppersdorf. Le Roi le tourna par Friedland, et se campa à Steinau. Peut-être que ces différentes manœuvres accélérèrent la négociation du lord Hyndford; il vint avertir le Roi que sa négociation avait si bien réussi, que M. de Neipperg était près d'abandonner la Silésie, pourvu que le Roi lui déclarât verbalement qu'il n'entreprendrait rien contre la Reine. Les ennemis se contentaient d'un pourparler qui valait des provinces à l'État, et des quartiers d'hiver tranquilles aux troupes fatiguées de onze mois d'opérations. La séduction était forte : le Roi voulut tenter ce qui pourrait résulter de cette conférence. Il se rendit en secret, accompagné du seul colonel Goltz, à Ober-Schnellendorf,101-a où il trouva le maréchal Neipperg, le général Lentulus et le lord Hyndford.

Ce ne fut pas sans réflexion que ce prince fit cette démarche. Quoiqu'il eût quelque sujet de se plaindre de la France, ces méconten<102>tements n'étaient pas assez forts pour rompre avec elle. Il connaissait par son expérience les dispositions de la cour de Vienne; il n'en pouvait rien attendre d'amiable : il était clair que la reine de Hongrie ne se prêtait à cette convention que pour semer la méfiance entre les alliés en l'ébruitant. Il fallait donc exiger des Autrichiens, comme une condition sine quâ non, que s'ils divulguaient le moins du monde les conditions dont on conviendrait, ce serait autoriser le Roi à rompre cette convention; le Roi était bien sûr que cela ne manquerait pas d'arriver. Le lord Hyndford tint le protocole au nom de son maître : on convint que Neisse ne serait assiégée que pour la forme; que les troupes prussiennes ne seraient point inquiétées dans les quartiers qu'elles prendraient en Silésie comme en Bohême; et surtout que, sans le secret le plus rigide, tout ce qu'on venait de régler serait nul de toute nullité. Il faut avouer que s'il y a une fatalité, elle s'est surtout manifestée sur M. de Neipperg, qui paraissait destiné à faire les traités les plus humiliants102-a pour ses souverains. Peu après, M. de Neipperg fit prendre à son armée la route de la Moravie. Le siége de Neisse fut aussitôt commencé : la ville ne tint que douze jours; la garnison autrichienne n'en était pas encore sortie, que les ingénieurs prussiens y traçaient déjà les nouveaux ouvrages qui par la suite la rendirent une des bonnes places de l'Europe. La ville prise, on sépara l'armée : une partie marcha en Bohême sous les ordres du prince Léopold d'Anhalt; quelques régiments furent employés au blocus de Glatz, et le reste des troupes, aux ordres du maréchal Schwerin, s'établit en Haute-Silésie.

Le duc de Lorraine, qui se trouvait à Presbourg, se flattant que le Roi prendrait des pourparlers pour des traités de paix, lui écrivit pour lui demander sa voix pour l'élection à l'Empire. La réponse fut obligeante, mais conçue dans un style obscur, et si embrouillé, que l'auteur même n'y comprenait rien. La campagne terminée, onze mois<103> après être entré en Silésie, le Roi reçut l'hommage de ses nouveaux sujets à Breslau, d'où il retourna à Berlin. Il commençait à apprendre la guerre par ses fautes; mais les difficultés qu'il avait surmontées n'étaient qu'une partie de celles qui restaient à vaincre pour mettre le comble au grand ouvrage qu'il avait entrepris de perfectionner.


100-a Voyez Mémoires des négociations du marquis de Valori. Paris, 1820, t. I, p. 71 et 129.

101-a Klein-Schnellendorf.

102-a Voyez ci-dessus, p. 7.

75-a Raab.

76-20 Mars.

76-a Le lieutenant-colonel de Wylich-Diersfordt était commandeur des grenadiers à cheval.

76-b 27 février, combat de Baumgarten.

78-21 2 avril.

78-22 5 avril.

79-23 6 avril. [Le Roi marcha le 6 avril de Steinau sur Friedland; mais se voyant dans l'impossibilité de passer la Neisse près de Sorge, il se résolut à la passer dans le voisinage de Michelau; à cet effet, il se dirigea le 7 sur Falkenberg, et le 8 il traversa le pont situé près de Michelau. C'est dans ce dernier endroit qu'eut lieu sa jonction avec le prince héréditaire Léopold.]

79-a Sur le rapport du margrave Charles, le Roi détacha le prince héréditaire Léopold d'Anhalt-Dessau. Lorsqu'il le revit, le 8 avril, auprès de Michelau, il le nomma général de l'infanterie, par un brevet daté du 9, pour avoir sauvé un pont de bateaux le jour précédent. Le Prince héréditaire se distingua pareillement auprès de Mollwitz, et fut élevé au grade de feld-maréchal sur le champ de bataille de Chotusitz : il est cependant ici passé sous silence, comme dans le récit de la bataille de Mollwitz, et blâmé dans celui de la bataille de Chotusitz.
     Le Roi s'est également abstenu ici de relever le mérite de la prise de Glogau par le Prince héréditaire; mais il le fit dans sa lettre au prince régnant d'Anhalt-Dessau datée de Schweidnitz, le 10 mars 1741.

80-24 8 avril.

80-a Ces deux villages ne sont séparés que par une route.

81-a Le colonel comte Rottembourg devint général-major le 31 octobre 1741.

81-b Hermsdorf.

82-25 Il arrivait d'Oppeln.

82-a L'armée autrichienne, qui avait dirigé ses vues sur Ohlau, surprise par le Roi auprès de Mollwitz, dut s'occuper à lui faire face : en conséquence Römer, qui primitivement se tenait à l'aile droite, changea aussi son front de bataille, et cette même aile droite, devenue aile gauche, attaqua l'aile droite des Prussiens.

83-a Adolphe-Frédéric comte de Schulenbourg, lieutenant-général et chevalier de l'Aigle noir, chef des grenadiers à cheval, né à Wolfenbüttel le 8 décembre 1685.
     Les dix escadrons formant le régiment des grenadiers à cheval, furent partagés après la bataille de Mollwitz en deux régiments de dragons, no 3 et 4, qui composent depuis 1808 le régiment de dragons no 3.

84-a Dans ce moment critique, il paraît que le Roi quitta le champ de bataille; mais il n'en fait pas non plus mention dans le rapport circonstancié daté d'Ohlau, le 11 avril, et adressé par lui au prince régnant de Dessau.

84-b Dans l'Éloge de Goltz, le lieutenant-colonel de Goltz est mentionné par le Roi comme étant l'officier qui depuis Ohlau hâta la marche des quatorze escadrons (et non pas dix), et les employa à la poursuite de l'ennemi.

85-a Frédéric, margrave de Brandebourg, né le 13 août 1710, était fils du margrave Albert-Frédéric et petit-fils du Grand Électeur. Il était colonel dans le régiment d'infanterie du margrave Charles, son frère, lorsqu'il mourut au champ d'honneur.

88-26 De Mollwitz.

89-27 Le 19 décembre 1740.

90-28 Présentée par Ginkel le 15 juin.

90-a C'est le traité de Breslau du 5 juin 1741.

92-29 7 [10] août.

93-30 Le général Marwitz en devint gouverneur.

95-a Cette convention fut signée à Breslau le 4 novembre 1741.

96-31 4 [11] septembre.

96-a Töpliwoda.