<13>çons. Je les ai enfin reçues, mon cœur en a été ému, et je me suis fait une loi inviolable de les suivre toute ma vie.

Je vois, monsieur, avec admiration que vos connaissances ne se bornent pas aux seules sciences; vous avez approfondi les replis les plus cachés du cœur humain, et c'est là que vous avez puisé le conseil salutaire que vous me donnez en m'avertissant de me défier de moi-même. Je voudrais pouvoir me le répéter sans cesse, et je vous en remercie infiniment, monsieur.

C'est un déplorable effet de la fragilité humaine que les hommes ne se ressemblent pas à eux-mêmes tous les jours; souvent leurs résolutions se détruisent avec la même promptitude qu'ils les ont prises. Les Espagnols disent très-judicieusement : Cet homme a été brave un tel jour. Ne pourrait-on pas dire de même des grands hommes qu'ils ne le sont pas toujours, ni en tout?

Si je désire quelque chose avec ardeur, c'est d'avoir des gens savants et habiles autour de moi. Je ne crois pas que ce soient des soins perdus que ceux qu'on emploie à les attirer; c'est un hommage qui est dû à leur mérite, et c'est un aveu du besoin que l'on a d'être éclairé par leurs lumières.

Je ne puis revenir de mon étonnement quand je pense qu'une nation cultivée par les beaux-arts, secondée par le génie et par l'émulation d'une autre nation voisine; quand je pense, dis-je, que cette même nation si polie et si éclairée ne connaît point le trésor qu'elle renferme dans son sein.a Quoi! ce même Voltaire à qui nos mains érigent des autels et des statues est négligé dans sa patrie, et vit en solitaire dans le fond de la Champagne! C'est un paradoxe, c'est une énigme, c'est un effet bizarre du caprice des hommes. Non, monsieur, les querelles des savants ne me dégoûteront jamais du savoir; je saurai toujours distinguer ceux qui avilissent les sciences, des


a Qu'une nation depuis longtemps en possession du bon goût ne reconnaît point, etc. ( Variante des Œuvres posthumes, t. XIII. p. 226.)