<191>Vous n'oublierez pas de faire mille assurances d'estime à la marquise du Châtelet, dont l'esprit ingénieux a bien voulu se faire connaître par un petit échantillon. Ce n'est qu'un rayon de ce soleil qui s'est fait apercevoir à travers les nuages; que ne doit-ce point être lorsqu'on le voit sans voiles! Peut-être faut-il que la marquise cache son esprit, comme Moïse voilait son visage,a parce que le peuple d'Israël n'en pouvait supporter la clarté. Quand même j'en perdrais la vue, il faut, avant de mourir, que je voie cette terre de Chanaan, ce pays des sages, ce paradis terrestre. Comptez sur l'estime parfaite et l'amitié inviolable avec laquelle je suis, monsieur, etc.

47. DE VOLTAIRE.

(Cirey) février 1738.

Monseigneur, une maladie qui a fait le tour de la France est enfin venue s'emparer de ma figure légère, dans un château qui devrait être à l'abri de tous les fléaux de ce monde, puisqu'on y vit sous les auspices divi Federici et divae Emiliae. J'étais au lit lorsque je reçus à la fois deux lettres bien consolantes de V. A. R. : l'une par la voie de M. Thieriot, à qui V. A. R., très-juste dans ses épithètes, donne celle de trompette, mais qui est aussi une des trompettes de votre gloire; l'autre lettre est venue en droiture à sa destination.

Toutes celles dont vous m'avez honoré, monseigneur, ont été autant de bienfaits pour moi; mais la dernière est celle qui m'a causé le plus de joie. Ce n'est pas simplement parce qu'elle est la dernière; c'est parce que vous avez jugé des défauts de Mérope comme si V. A. R.


a Exode, chap. XXXIV, v. 33-35.