<266> les côtés, et, croyant tenir des vérités, je les examine, et je reconnais le fondement frivole de mon jugement. Les vérités mathématiques n'en sont point exemptes, ne vous en déplaise; et, lorsqu'on examine bien le pour et le contre des propositions, on trouve même incertitude à se déterminer; en un mot, je crois qu'il n'y a que très-peu de vérités évidentes.

Ces considérations m'ont mené à exposer mes sentiments sur l'erreur; je l'ai fait en forme de dialogue.a Mon but est de montrer que les sentiments différents des hommes, soit en philosophie, ou en religion, ne doivent jamais aliéner en eux les liens de l'amitié et de l'humanité. Il m'a fallu prouver que l'erreur était innocente; c'est ce que j'ai fait. J'ai même poussé outre, et j'ai fait apercevoir qu'une erreur qui vient de ce qu'on cherche la vérité, et de ce qu'on ne peut pas l'apercevoir, doit être louable. Vous en jugerez mieux vous-même quand vous l'aurez lu; c'est pour cet effet que je l'expose à votre critique.

Je crois qu'il ne serait point séant d'entamer à présent l'affaire de Beringen. Nous sommes ici de jour à autre en attente de ce qui doit arriver. Vous comprenez bien que, lorsqu'on s'occupe de préparatifs d'une guerre très-sérieuse, on ne pense guère à autre chose. Je serais donc d'avis qu'il faut attendre que cette filasse soit débrouillée; cela ne durera que peu de temps, vu la situation des affaires; et, lorsque nous serons en possession de ces duchés, il sera bien plus naturel de chercher à s'arrondir et à faire des acquisitions comme celle de la seigneurie de Beringen. Alors mes projets pourraient avoir lieu, à cause que le Roi, se trouvant dans son pays, pourrait aller lui-même pour voir si une acquisition pareille serait à sa bienséance. Je m'en rapporte d'ailleurs à ma dernière lettre, où je vous


a Ce dialogue est intitulé Dissertation sur l'innocence des erreurs de l'esprit. Voyez t. VIII, p. II, et p. 33-50.