<374> M. Clairaut; c'est un jeune homme qui fit un ouvrage sur les courbes, à l'âge de quatorze ans, et qui a depuis peu, comme le sait V. A. R., mesuré la terre sous le cercle polaire. Il traite les mathématiques comme Locke a traité l'entendement humain; il écrit avec la méthode que la nature emploie; et, comme Locke a suivi l'âme dans la situation de ses idées, il suit la géométrie dans la route qu'ont tenue les hommes pour découvrir par degrés les vérités dont ils ont eu besoin. Ce sont donc, en effet, les besoins que les hommes ont eus de mesurer qui sont chez Clairaut les vrais maîtres de mathématiques. L'ouvrage n'est pas près d'être fini; mais le commencement me paraît de la plus grande facilité, et par conséquent très-utile.

Mais, monseigneur, le plus utile de ces ouvrages, c'est celui que j'attends d'une main faite pour rendre les hommes heureux.

Je vais, moi chétif, me rendre aux Eléments de Newton, dont on demande à Paris une nouvelle édition; mais ce travail sera pour Bruxelles. Je pars, je suis Émilie et madame la duchesse de Richelieu à Cirey; de là je vais en Flandre, etc.

104. A VOLTAIRE.

Remusberg, 6 novembre 1739.

Mon cher ami, j'ai été aussi mortifié de l'état infirme de votre santé que j'ai été réjoui par la satisfaction que vous me témoignez de ma Préface. J'en abandonne le style à la critique de tous les Zoïles de l'univers; mais je me persuade en même temps qu'elle se soutiendra, puisqu'elle ne contient que des vérités, et que tout homme qui pense sera obligé d'en convenir.