<416>Votre rêve, mon cher Voltaire, quoique très-avantageux pour moi, m'a paru porter le caractère véritable des rêves, qui ne ressemblent jamais parfaitement à la vérité. Il y manque beaucoup de choses pour l'accomplir, et il me semble qu'un esprit prophétique aurait pu y ajouter ceci :

L'ange protecteur de Berlin,
Voulant y porter la science,
Chercha, parmi le genre humain,
Un sage en qui sa confiance
Des beaux-arts remît le destin.
Il ne chercha point dans la France
Ce radoteur, vieille Eminence,
Qu'un peuple rongé par la faim,
Ou quelque auteur manquant de pain,
Assez grossièrement encense;
Mais, loin de ce prélat romain,
Il trouva l'aimable Voltaire,
Que Minerve même instruisait,
Tenant en ses mains notre sphère,
Qui sagement examinait,
Et tout rigidement pesait
Au poids que, d'une main sévère,
La V érité lui fournissait.
Ah! dit l'ange, c'est mon affaire.
Si l'esprit, ainsi qu'autrefois,
Sur le trône élevait les rois,
La Prusse te verrait naguère
Revêtu de ce caractère;
Mais de plus indulgentes lois
Aux sots donnent les mêmes droits.
D'où vient que ces faveurs insignes
Ne sont jamais pour les plus dignes?a

Cet ange, ou ce génie de la Prusse, n'en resta pas là; il voulait,


a Ces huit derniers vers, omis dans l'édition de Kehl, se trouvent dans les Œuvres posthumes, t. IX, p. 101.