<120> en pure perte, et qui fait horreur aux âmes compatissantes qui ont encore conservé quelque sentiment d'humanité. Nous voyons encore, chez les nations que les lettres ont le plus polies, des restes de l'ancienne férocité de leurs mœurs. Il est bien difficile de rendre le genre humain bon, et d'achever d'apprivoiser cet animal, le plus sauvage de tous. Cela me confirme dans mon sentiment, que les opinions n'influent que faiblement sur les actions des hommes; car je vois partout que leurs passions l'emportent sur le raisonnement. Supposons donc que vous parvinssiez à faire une révolution dans la façon de penser; la secte que vous formeriez serait peu nombreuse, parce qu'il faut penser pour en être, et que peu de personnes sont capables de suivre un raisonnement géométrique et rigoureux. Et ne comptez-vous pour rien ceux qui, par état, sont opposés aux rayons de lumière qui découvrent leur turpitude? ne comptez-vous pour rien les princes auxquels on a inculqué qu'ils ne règnent qu'autant que le peuple est attaché à la religion? ne comptez-vous pour rien ce peuple qui n'a de raison que les préjugés, qui hait les nouveautés en général, et qui est incapable d'embrasser celles dont il est question, qui demandent des têtes métaphysiques et rompues dans la dialectique pour être conçues et adoptées? Voilà de grandes difficultés que je vous propose, et qui, je crois, se trouveront éternellement dans le chemin de ceux qui voudront annoncer aux nations une religion simple et raisonnable.

Si vous avez quelque nouvel ouvrage dans votre portefeuille, vous me ferez plaisir de me l'envoyer; les livres nouveaux qui paraissent à présent font regretter ceux du commencement de ce siècle. L'Histoire de l'abbé Vellya est ce qu'il a paru de meilleur; car je n'appelle pas des livres tout ce tas d'ouvrages faits sur le commerce et sur l'agriculture par des auteurs qui n'ont jamais vu ni vaisseaux ni


a Histoire de France depuis rétablissement de la monarchie jusqu'au règne de Louis XIV, par M. l'abbé Velly. Paris, 1755 et années suivantes.