<128> État est vaste, plus il est exposé à ce que des subalternes abusent de l'autorité qui leur est confiée. Le seul moyen de l'empêcher est d'obliger tous les tribunaux du royaume de ne mettre en exécution les arrêts de mort qu'après qu'un conseil suprême a revu les procédures et confirmé leur sentence.

Il me semble que le jeune poëte, auteur du Triumvirat, n'a pas plus que soixante-treize ans. J'en juge ainsi, parce qu'un commençant ne connaît ni ne sent des nuances aussi fines qu'il en est dans le caractère d'Octave; que les deux actes que j'ai lus sont sans déclamation, et d'une simplicité qui ne plaît qu'après avoir épuisé toutes les fusées de la rhétorique. En supposant même qu'un jeune homme ait fait cet ouvrage, il est sûr qu'un sage l'a retouché et refondu. Vous m'en avez donné trop et trop peu pour vous arrêter en si beau chemin. Je vous compare aux rois : il en coûte à obtenir leur premier bienfait; celui-là donné, on les accoutume à donner de même.

J'ai lu votre article Juliena avec plaisir. Cependant j'aurais désiré que vous eussiez plus ménagé cet abbé de la Bletterie;b tout dévot, tout janséniste qu'il est, il a rendu, le premier, hommage à la vérité; il a rendu justice, quoique avec des ménagements qu'il lui convenait de garder, il a rendu justice, dis-je, au caractère de Julien. Il ne l'a point appelé apostat. Il faut tenir compte à un janséniste de sa sincérité. Je crois qu'il aurait été plus adroit de lui donner des éloges, comme on applaudit à un enfant qui commence à balbutier, pour l'encourager à mieux faire.

Le passage d'Ammien Marcellin est interpolé sans doute; vous n'avez, pour vous en convaincre, qu'à lire ce qui précède et ce qui suit. Ces deux phrases se lient si bien, que la fraude saute aux yeux. C'était le bon temps, dans les premiers siècles; on accommodait les


a Dictionnaire philosophique. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XXX, p. 493, et t. XLV, p. 197.

b Voyez t. VII, p. 120; t. X, p. 10 et 159; et t. XXI, p. 128.