<176> nous qui me frappe. Je suis le protecteur des jésuites, vous des capucins; vos ouvrages sont brûlés à Rome, les miens aussi. Mais vous êtes saint, et je vous cède la préférence.

Comment, monsieur le saint, vous vous étonnez qu'il y ait une guerre en Europe dont je ne sois pas! Cela n'est pas trop canonique. Sachez donc que les philosophes, par leurs déclamations perpétuelles contre ce qu'ils appellent brigands mercenaires,a m'ont rendu pacifique. L'impératrice de Russie peut guerroyer à son aise; elle a obtenu de Diderot, à beaux deniers comptants, une dispense pour faire battre les Russes contre les Turcs. Pour moi, qui crains les censures philosophiques, l'excommunication encyclopédique, et de commettre un crime de lèse-philosophie, je me tiens en repos. Et comme aucun livre n'a paru encore contre les subsides, j'ai cru qu'il m'était permis, selon les lois civiles et naturelles,b d'en payer à mon allié, auquel je les dois; et je suis en règle vis-à-vis de ces précepteurs du genre humain qui s'arrogent le droit de fesserc princes, rois et empereurs qui désobéissent à leurs règles.

Je me suis refondu par la lecture d'un ouvrage intitulé Essai sur les préjugés. Je vous envoie quelques remarquesd qu'un solitaire de mes amis a faites sur ce livre. Je m'imagine que ce solitaire s'est assez rencontré avec votre façon de penser, et avec cette modération dont vous ne vous départez jamais dans les écrits que vous avouez vôtres. Au reste, je ne pense plus à mes maux; c'est l'affaire de mes jambes de s'accoutumer à la goutte comme elles pourront. J'ai d'autres occupations; je vais mon chemin, clopinant et boitant, sans m'embar-


a Voyez t. IX, p. 160, et t. XIV, p. 293.

b Selon les lois de la nature. (Variante des Œuvres posthumes, t. X, p. 58.)

c De fouetter. (Variante des Œuvres posthumes, t. X, p. 58.)

d Examen de l'Essai sur les préjugés. Voyez t. IX, p. IX, et p. 149-175.