<252> faire des vœux pour ce même Voltaire que j'ai possédé autrefois, et que je regrette tous les jours, parce que sa perte est irréparable.

456. DE VOLTAIRE.

(Ferney) 13 novembre 1772.

Sire, hier il arriva dans mon ermitage une caisse royale, et ce matin j'ai pris mon café à la crème dans une tasse telle qu'on n'en fait point chez votre confrère Kien-Long, l'empereur de la Chine; le plateau est de la plus grande beauté. Je savais bien que Frédéric le Grand était meilleur poëte que le bon Kien-Long, mais j'ignorais qu'il s'amusât à faire fabriquer dans Berlin de la porcelaine très-supérieure à celle de King-te-sching, de Dresde et de Sèvres; il faut donc que cet homme étonnant éclipse tous ses rivaux dans tout ce qu'il entreprend. Cependant je lui avouerai que, parmi ceux qui étaient chez moi à l'ouverture de la caisse, il se trouva des critiques qui n'approuvèrent pas la couronne de laurier qui entoure la lyre d'Apollon, sur le couvercle admirable de la plus jolie écuelle du monde; ils disaient : Comment se peut-il faire qu'un grand homme, qui est si connu pour mépriser le faste et la fausse gloire, s'avise de faire mettre ses armes sur le couvercle d'une écuelle? Je leur dis : Il faut que ce soit une fantaisie de l'ouvrier; les rois laissent tout faire au caprice des artistes. Louis XIV n'ordonna point qu'on mît des esclaves aux pieds de sa statue; il n'exigea point que le maréchal de La Feuillade fît graver la fameuse inscription, A l'homme immortel; et lorsqu'à plus juste titre on verra en cent endroits : Frederico immortali, on saura