<270>compliment sur mon âge de soixante-dix ans. Voilà comme on trompe toujours les rois. J'en ai soixante-dix-neuf, s'il vous plaît, et bientôt quatre-vingts. Ainsi je ne verrai point la destruction, que je souhaitais si passionnément, de ces vilains Turcs qui enferment les femmes, et qui ne cultivent point les beaux-arts.

Vous ne voulez donc point remplacer Thieriot, votre historiographe des cafés? Il s'acquittait parfaitement de cette charge; il savait par cœur le peu de bons et le grand nombre de mauvais vers qu'on faisait dans Paris; c'était un homme bien nécessaire à l'État.

Vous n'avez donc plus dans Paris
De courtier de littérature?
Vous renoncez aux beaux esprits,
A tous les immortels écrits
De l'almanach et du Mercure?
L'in-folio ni la brochure
A vos yeux n'ont donc plus de prix?
D'où vous vient tant d'indifférence?
Vous soupçonnez que le bon temps
Est passé pour jamais en France,
Et que notre antique opulence
Aujourd'hui fait place en tout sens
Aux guenilles de l'indigence.
Ah! jugez mieux de nos talents,
Et voyez quelle est notre aisance :
Nous sommes et riches, et grands.
Mals c'est en fait d'extravagance.
J'ai même très-peu d'espérance
Que monsieur l'abbé Savatier,a
Malgré sa flatteuse éloquence,
Nous tire jamais du bourbier
Où nous a plongés l'abondance
De nos barbouilleurs de papier.


a L'abbé Sabatier ou Savatier, gredin qui s'est avisé de juger les siècles avec un ci-devant soi-disant jésuite, et qui a ramassé un tas de calomnies absurdes pour vendre son livre. (Note de Voltaire.)