<303> magnificence et la politesse; et l'Impératrice surpasse tout le reste par l'accueil gracieux qu'elle fait aux étrangers.

Après vous avoir parlé de cette cour, comment vous entretenir des jésuites? Ce n'est qu'en faveur de l'instruction de la jeunesse que je les ai conservés. Le pape leur a coupé la queue; ils ne peuvent plus servir, comme les renards de Samson, pour embraser les moissons des Philistins. D'ailleurs, la Silésie n'a produit ni de père Guignard, ni de Malagrida. Nos Allemands n'ont pas les passions aussi vives que les peuples méridionaux.

Si toutes ces raisons ne vous touchent point, j'en alléguerai une plus forte : j'ai promis, par la paix de Dresde, que la religion demeurerait in statu quo dans mes provinces. Or j'ai eu des jésuites; donc il faut les conserver. Les princes catholiques ont tout à propos un pape à leur disposition, qui les absout de leurs serments par la plénitude de sa puissance; pour moi, personne ne peut m'absoudre, je suis obligé de garder ma parole, et le pape se croirait pollué s'il me bénissait; il se ferait couper les doigts avec lesquels il aurait donné l'absolution à un maudit hérétique de ma trempe.

Si vous ne me reprochez point mes jésuites, je ne vous dirai pas le mot de vos picpus. Nous sommes à deux de jeu. Mes jésuites ont produit de grands hommes, en dernier lieu encore le père Tournemine, votre recteur; les capucins se targuent de saint Cucufin, dont ils peuvent s'applaudir à leur aise. Mais vous protégez ces gens, et vous seul valez tout ce qu'Ignace a produit de meilleur; aussi j'admire et je me tais,a en assurant le Patriarche de Ferney que le Philosophe de Sans-Souci l'admirera jusqu'à la fin de l'existence dudit philosophe. Vale.


a Réminiscence de Boileau. Voyez t. XVIII, p. 269 de notre édition.