<324>Vous voyez, Sire, que je pensais absolument comme certain héros du siècle. Madame Deshoulières a dit :

Faute de s'approcher et faute de s'entendre,
On est souvent brouillé pour rien.

D'ailleurs les pensées d'un pauvre philosophe enterré au pied des Alpes ne sont pas comme les pensées des maîtres de la terre. Ces philosophes, vrais ou prétendus, sont sans conséquence; mais vous autres héros et souverains, quand vous avez mis quelque grande idée dans votre cervelle, la destinée des hommes en dépend.

Que je gémisse ou non de voir la patrie d'Homère en proie à des Turcs venus des bords de la mer d'Hyrcanie, que je vous prie d'avoir la bonté de les chasser et de mettre des Alcibiades en leur place, il n'en sera ni plus ni moins, et les Turcs n'en sauront rien. Mais qu'il vous prenne envie d'étendre votre puissance vers l'orient ou vers l'occident, alors la chose devient sérieuse, et malheur à qui s'y opposerait!

L'Épître à Ninon est réellement du comte de Schuwaloff, neveu du Schuwaloff dernier amant de l'impératrice Élisabeth; ce neveu a été élevé à Paris, et a d'ailleurs beaucoup d'esprit et beaucoup de goût. On ne s'attendait pas, il y a cinquante ans, qu'un jour un Russe ferait si bien des vers français; mais il a été prévenu par un roi du Nord qui lui a donné de grands exemples. Je ne connais point la satire intitulée Louis XV aux champs Élysées, et je ne crois pas qu'elle existe. Il paraît un recueil des lettres du feu mylord Chesterfield à un fils bâtard qu'il aimait comme madame de Sévigné aimait sa fille. Il est très-souvent parlé de vous dans ces lettres; on vous y rend toute la justice que la postérité vous rendra.a


a Lettres du comte de Chesterfield à son fils Philippe Stanhope, envoyé extraordinaire à la cour de Dresde, lettre 142, du 10 janvier (vieux style) 1749. Voyez notre t. III, p. 100 et 101; t. XVII, p. 291; et t. XVIII, p. 108.