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De Voltaire à Berlin court acheter le buste;
Et, s'il jouit vivant de l'immortalité,
Disons que le public est juste.

Ce n'est point un conte; on se déchire à la fabrique de porcelaine pour avoir votre buste; on en achève moins qu'on n'en demande. Le bon sens de nos Germains veut des impressions fortes; mais quand ils les ont reçues, elles sont durables.

L'ouvrage dont vous me parlez, du maréchal de Saxe, m'est connu; et j'ai écrit pour en avoir un exemplaire. Les faits sont récents et connus; il n'y a que les cartes qui intéressent, parce que le terrain est l'échiquier de nous autres anthropophages, et que c'est lui qui décide de l'habileté ou de l'ignorance de ceux qui l'ont occupé.

Cette partie de ma lettre est pour le lieutenant-général Voltaire, qui m'entendra bien; le reste est pour le Patriarche de Ferney, pour le philosophe humain, qui protége d'Étallonde, et qui veut à toute force casser l'arrêt de l'infâme. Je ne refuserai aucun titre à d'Étallonde, si, par cette voie, je peux le sauver; ainsi, qu'il s'en donne tel qu'il jugera le plus propre pour son avantage.

Vous me croyez plus vain que je ne le suis. Depuis la guerre, je n'ai pensé ni à plan, ni à batailles, ni à toutes les choses qui se sont passées. Il faut penser à l'avenir, et oublier le passé, car celui-là reste tel qu'il est; mais il y a bien des mesures à prendre pour l'avenir.

Ce discours sent un peu le jeune homme; songez pourtant que les États sont immortels, et que ceux qui sont à leur tête ne doivent pas vieillir, tant qu'ils les gouvernent.

Si vous allez à Versailles, d'Étallonde est sauvé; si votre santé ne vous permet pas d'entreprendre ce voyage, je n'augure aucune issue heureuse de son procès. Vous avez, à la vérité, quelques philosophes en France; mais les superstitieux font le grand nombre, ils étouffent les autres. Nos prêtres allemands, catholiques et huguenots, ne connaissent que l'intérêt; chez les Français, c'est le fanatisme qui les