<384> peu ménager l'huile de la lampe, pour qu'elle brûle longtemps encore. C'est à quoi je m'intéresse plus que madame Denis et votre ménagère suisse, qui vous fait quitter l'ouvrage quand elle craint qu'il ne nuise à votre santé. Elles n'ont qu'une idée confuse de ce que vaut le Patriarche de Ferney, et j'en ai une précise. Pour trouver un Voltaire dans l'antiquité, il faut rassembler le mérite de cinq ou six grands hommes, d'un Cicéron, d'un Virgile, d'un Lucien et d'un Salluste; et dans la renaissance des lettres, c'est la même chose : il faut englober un Guichardin, un Tasse, un Arétin, un Dante, un Arioste, et encore ce n'est pas assez; dans le siècle de Louis XIV, il manquera toujours pour l'épopée quelqu'un qui rende l'assemblage complet.

Voilà comme on pense de vous sur les bords de la mer Baltique, où l'on vous rend plus de justice que dans votre ingrate patrie.

N'oubliez pas ces bons Germains qui se souviennent toujours avec plaisir de vous avoir possédé autrefois, et qui vous célèbrent autant qu'il est en eux. Vale.

Je viens de recevoir la Diatribe à l'auteur des Éphémérides.a On que cet ouvrage vient de Ferney; et je crois y reconnaître l'auteur au style, qu'il ne saurait déguiser.

525. DE VOLTAIRE.

Ferney, 19 juillet 1775.

Sire, il n'y a point de vertu, soit tranquille, soit agissante, soit douce, soit fière, soit humaine, soit héroïque, qui ne soit à votre


a Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLVIII, p. 102-119.