<398>Ensuite je viendrai à sa propre histoire, dont je ne sais que ce qui se trouve dans un mémoire de Loyseau. Il est vrai que ce jugement d'Abbeville révolte l'humanité, que l'inquisition de Rome aurait été moins sévère; mais les hommes se croient tout permis quand ils pensent combattre pour la gloire de Dieu; ils souillent les autels d'un être bienfaisant du sang de victimes innocentes.

Si ces horreurs peuvent s'excuser, c'est dans l'effervescence de quelque nouveau fanatisme; mais ces fureurs deviennent plus atroces encore, quand elles se commettent de sang-froid et dans le silence des passions. La postérité aura peine à croire que le dix-huitième siècle ait vu le fanatisme le plus absurde étouffer les cris de la raison, de la nature et de l'humanité. Morival est heureux d'être échappé des griffes de ces anthropophages sacrés; il vaut mieux habiter avec une horde de Lapons qu'avec ces monstres d'Abbeville. Un roi dont les vues sont droites, un ministère sage comme celui que vous avez présentement en France, empêcheront sans doute l'exécution des jugements iniques. Ils ne voudront pas que les lois de la France et de la Tauride soient les mêmes. Cependant ils auront toujours contre eux le clergé, armé du saint nom de la religion catholique, apostolique et romaine. Il me semble voir sortir un évêque de cette troupe de prêtres, qui, s'adressant au seizième des Louis, lui dit :

« Sire, vous êtes le seul roi dans l'univers qui portiez le titre de Très-Chrétien; le glaive dont Dieu arma votre bras vous est donné pour défendre l'Église. La religion est outragée, elle réclame votre assistance. Il faut que le sang du coupable soit versé en expiation de l'offense, et pour le premier et le plus ancien royaume du monde. »

Je vous assure, quand même tous les encyclopédistes se trouveraient présents à cette harangue, qu'ils n'arracheraient pas des mains des prêtres la victime que ces barbares auraient résolu d'immoler.

Si d'aussi horribles scandales se commettent moins ailleurs qu'en France, il faut l'attribuer à la vivacité de votre nation, qui se porte