<4> vu revenir avec plaisir;a vous auriez passé vos jours tranquillement auprès de moi, et, en cessant de vous inquiéter vous-même, vous auriez été heureux. Mais votre séjour à Leipzig retraça dans ma mémoire les traits que j'avais bien voulu en effacer. Je trouvai mauvais que, malgré la parole que vous m'en aviez donnée, vous ne cessassiez point d'écrire contre Maupertuis, et que, non content de cela, malgré la protection que j'accorde et que je dois accorder à mon Académie, vous voulussiez la couvrir du même ridicule que vous vous efforciez de jeter depuis si longtemps sur le président. Voilà les griefs que j'ai contre vous; car, quant à ma personne, je n'en ai aucun. Je désapprouverai toujours tout ce que vous ferez contre Maupertuis; mais je n'en reconnaîtrai pas moins votre mérite littéraire. J'admirerai vos talents comme je les ai toujours admirés. Vous honorez trop l'humanité par votre génie, pour que je ne m'intéresse pas à votre sort. Je souhaiterais que vous débarrassiez votre esprit de ces disputes, qui n'auraient jamais dû l'occuper, et que, rendu à vous-même, vous fassiez comme auparavant les délices de la société où vous vous trouverez. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.


a Le Roi écrit à Darget, le 1er avril 1754 : « Croiriez-vous bien que Voltaire, après tous les tours qu'il m'a joués, a fait des démarches pour revenir? Mais le ciel m'en préserve! Il n'est bon qu'à lire, et dangereux à fréquenter. » Voyez t. XX, p. 49 et 50.
     Le marquis d'Argens écrit à d'Alembert, de Potsdam, 20 novembre 1753 : « Voltaire a fait plusieurs tentatives pour retourner ici; mais le Roi n'a pas voulu entendre parler de lui; il avait employé, pour faire sa paix, la margrave de Baireuth et la duchesse de Saxe-Gotha. »
     Voltaire, de son côté, écrit à la duchesse de Saxe-Gotha, de Colmar, 30 juillet 1754 : « Ce que Votre Altesse Sérénissime me dit d'une certaine personne qui se sert du mot de rappeler ne me convient guère; ce n'est qu'auprès de vous, madame, que je peux jamais être appelé par mon cœur; il est vrai que c'est là ce qui m'avait conduit auprès de la personne en question; je lui ai sacrifié mon temps et ma fortune; je lui ai servi de maître pendant trois ans; je lui ai donné des leçons de bouche et par écrit tous les jours dans les choses de mon métier, etc. » Voyez Lives of Men of Letters and Science, who flourished in the time of George III. By Henry, Lord Brougham. London, 1845, t. I, p. 137.