<410> promise, et qui était encore plus sablonneux que le chemin de Berlin à Sans-Souci.

V. M. est trop bonne de daigner jeter les yeux sur mes petits travaux rustiques. Elle m'encourage en m'approuvant. Je n'ai qu'un petit coin de terre à défricher, et encore est-il un des plus mauvais de l'Europe. Vous daignez encourager de même ma chétive faculté intellectuelle, en me persuadant qu'une demi-apoplexie n'est qu'une bagatelle; je ne savais pas que V. M. eût jamais eu affaire à un pareil ennemi. Vous l'avez vaincu comme tous les autres, et vous triomphez enfin de la goutte, qui est plus formidable. Vous tendez une main protectrice, du haut de votre génie, à ma petite machine pensante; je serai assez hardi, dans quelque temps, pour mettre à vos pieds des lettres assez scientifiques, assez ridicules, que j'ai pris la liberté d'écrire à M. Pauw sur ses Chinois, ses Égyptiens, et ses Indiens.a

La barbare aventure du général Lally, le désastre et les friponneries de notre compagnie des Indes, m'ont mis à portée de me faire instruire de bien des choses concernant l'Inde et les anciens brahmanes. Il m'a paru évident que notre sainte religion chrétienne est uniquement fondée sur l'antique religion de Brahma. Notre chute des anges qui a produit le diable, et le diable qui a produit la damnation du genre humain, et la mort de Dieu pour une pomme, ne sont qu'une misérable et froide copie de l'ancienne théologie indienne. J'ose assurer que V. M. trouvera la chose démontrée.

Je ne connais point M. Pauw. Mes lettres sont d'un petit bénédictin tout différent de M. Pernetti. Je trouve ce M. Pauw un très-habile homme, plein d'esprit et d'imagination, un peu systématique, à la vérité, mais avec lequel on peut s'amuser et s'instruire.

J'espère mettre dans un mois ou deux ce petit ouvrage de saint Benoît à vos pieds.


a Lettres chinoises, indiennes et tartares, à M. Pauw, par un bénédictin; Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLVIII, p. 186-260.