<425> fins? On pourra soutenir le pour et le contre, et sur cette question les avis ne se réuniront jamais.a

Pour moi, pauvre Achille, si tant y a, je ne suis invulnérable ni aux talons, ni aux genoux, ni aux mains. La goutte s'est promenée successivement dans tout mon corps, et m'a donné une bonne leçon de patience. Il n'y a que ma tête qui est demeurée hors d'atteinte. A présent j'ai fait divorce avec cette harpie, et j'espère au moins d'en être délivré pour un temps. Il faut bien que notre frêle machine soit détruite par le temps, qui absorbe tout. Mes fondements sont déjà sapés; je défends encore la citadelle, et j'abandonne les ouvrages extérieurs à la force majeure, qui bientôt m'achèvera par quelque assaut bien préparé.

Mais tout cela ne m'embarrasse guère, pourvu que j'apprenne que le Protée de Ferney a eu quelques succès contre l'infâme, qu'il éclaire encore la littérature, la raison, les finances, etc., etc. Cela me suffit, et j'espère qu'il n'oubliera pas l'ex-jésuite de Sans-Souci. Vale.

Je reçois une lettre de ma nièce de Hollande, qui me marque que, un mandarin chinois étant arrivé à la Haye, elle avait eu la curiosité de le voir et de lui parler par le moyen d'un interprète; qu'il passait pour être fort ignorant et pour avoir peu d'esprit. L'abbé Pauw triomphe de cette nouvelle. Je lui ai répondu qu'une hirondelle ne fait pas l'été, et qu'il faut nécessairement, selon les lois éternelles de la nature, que sur une population de cent soixante millions d'âmes, dont vous gratifiez la Chine, il y ait au moins quatre-vingt-dix millions de bêtes et d'imbéciles, et que la mauvaise étoile de la Chine a voulu que précisément un être de cette espèce eût lait le voyage de Hollande. Si je ne l'ai pas assez réfuté, je vous abandonne le reste.


a Voyez, la lettre de Frédéric à d'Alembert, du 3 avril 1770; la lettre de celui-ci à Frédéric, du 22 septembre 1777; et la réponse du Roi, du 5 octobre 1777.