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Qui s'est fait, dit-on, l'imprimeur
Des idylles de Deshoulière!
Seigneur, je ne m'attendais guère
De voir César ou Cicéron
Sortir de sa brillante sphère
Pour devenir un Céladon.

Mais il faut que tous les goûts entrent dans votre âme universelle; elle sent mieux que personne qu'il y a dans les ouvrages de madame Deshoulières, quoique un peu faibles, des morceaux naturels et même philosophiques qui méritent d'être conservés; pour Chaulieu, il a fait quatre ou cinq pièces dignes de Frédéric le Grand.

Puisque vous protégez les philosophes après leur mort, V. M. les protégera aussi pendant leur vie; la rage des pédants fanatiques en robe longue vient de condamner au bannissement perpétuel un jeune homme nommé Delisle,a pour avoir fait un livre intitulé La Philosophie de la nature. C'est, dit-on, un savant plein d'imagination, beaucoup plus vertueux que hardi. M. d'Alembert est, je crois, instruit de son mérite et de son malheur.

Pour moi, si ces ennemis des sages me persécutent à quatre-vingt-trois ans, j'ai ma bière toute prête en Suisse, à une lieue de la France; j'ai quelque ressemblance avec Morival; je fus attaqué, il y a un mois, d'une espèce d'apoplexie dont les suites me tourmentent plus que les fanatiques ne me tourmenteront. J'emploierai, si je puis, mes derniers moments à rendre exécrables les assassins juridiques de Morival d'Étallonde, du chevalier de La Barre, du général Lally, de la maréchale d'Ancre, et de tant d'autres.

Tout ce que V. M. daigne me dire sur notre gouvernement et sur nos finances est bien vrai; c'est à Newton à parler de mathématiques, c'est à Frédéric le Grand à parler de gouverner les hommes. Je serais étonné si la France attaquait aujourd'hui les Anglais sur mer,


a Delisle de Sales. Son ouvrage avait paru en 1769, en trois volumes.