<475> n'entends rien à son vide, ni à son attraction; il a démontré avec plus d'exactitude que ses devanciers le mouvement des corps célestes, j'en conviens; mais vous m'avouerez pourtant que c'est une absurdité en forme que de soutenir l'existence du rien. Ne sortons pas des bornes que nous donne le peu de connaissance que nous avons de la matière. A mon sens, la doctrine du vide, et des esprits qui existent sans organes, sont le comble de l'égarement de l'esprit humain. Si un pauvre ignorant de ma classe s'avisait de dire : Entre ce globe et celui de Saturne, ce qui n'a point d'existence existe, on lui rirait au nez; mais le sieur Isaac, qui dit la même chose, a hérissé le tout d'un fatras de calculs que peu de géomètres ont suivi; ils aiment mieux l'en croire sur sa parole, et admettre des contre-vérités, que de se perdre avec lui dans le labyrinthe du calcul intégral et du calcul infinitésimal. Les Anglais ont construit des vaisseaux sur la coupe la plus avantageuse que Newton avait indiquée; et leurs amiraux m'ont assuré que ces vaisseaux étaient beaucoup moins bons voiliers que ceux qui sont fabriqués selon les règles de l'expérience. Je voulus faire un jet d'eau dans mon jardin; Euler calcula l'effort des roues pour faire monter l'eau dans un bassin, d'où elle devait retomber par des canaux, afin de jaillir à Sans-Souci.a Mon moulin a été exécuté géométriquement, et il n'a pu élever une goutte d'eau à cinquante pas du bassin. Vanité des vanités! vanité de la géométrie!

Je crois que la Suède conviendra mieux à votre peu systématique Delisle que notre pays; s'il s'y rend, il sera regardé dans peu comme le plus bel esprit de Stockholm; il pourra rendre les Lapons d'Umeå, de Torneå, de Kemi, grands métaphysiciens, et adoucir les mœurs sauvages des habitants des rivages polaires. Des Cartes a longtemps habité ce royaume; pourquoi Delisle ne s'y fixerait-il pas? Je crois,


a Le Roi l'en remercie dans deux lettres inédites, datées du 27 septembre et du 21 octobre 1747. Voyez, t. XX, p. XV.