<61>ment d'un zèle absurde. L'homme restera, malgré les écoles de philosophie, la plus méchante bête de l'univers; la superstition, l'intérêt, la vengeance, la trahison, l'ingratitude, produiront jusqu'à la fin des siècles des scènes sanglantes et tragiques, parce que les passions, et très-rarement la raison, nous gouvernent. Il y aura toujours des guerres, des procès, des dévastations, des pestes, des tremblements de terre, des banqueroutes. C'est sur ces matières que roulent toutes les annales de l'univers.

Je crois, puisque cela est ainsi, qu'il faut que cela soit nécessaire. Maître Pangloss vous en dira la raison. Pour moi, qui n'ai pas l'honneur d'être docteur, je vous confesse mon ignorance. Il me paraît cependant que si un être bienfaisant avait fait l'univers, il nous aurait rendus plus heureux que nous ne le sommes. Il n'y a que l'égide de Zénon pour les calamités, et les couronnes du jardin d'Épicure pour la fortune.

Pressez votre laitage, faites cuver votre vin et faucher vos prés, sans vous inquiéter si l'année sera abondante ou stérile. Le gentilhomme du Bien-Aimé m'a promis, tout vieux lion qu'il est, de donner un coup de patte à l'infâme. J'attends son livre. Je vous envoie, en attendant, un Akakia contre Sa Sainteté,a qui, je m'en flatte, édifiera Votre Béatitude.

Je me recommande à la muse du général des capucins, de l'architecte de l'église de Ferney, du prieur des filles du Saint-Sacrement, et de la gloire mondaine du pape Rezzonico, de la pucelle Jeanne, etc.

En vérité, je n'y tiens plus. J'aimerais autant parler du comte de Sabine, du chevalier de Tusculum, et du marquis d'Andes. Les titres ne sont que la décoration des sots; les grands hommes n'ont besoin que de leur nom.

Adieu; santé et prospérité à l'auteur de la Henriade, au plus malin


a Bref de S. S. le pape à M. le maréchal Daun. Voyez t. XV, p. X et XI, et p. 132 et 133.