<8> étaient quand vous avez daigné m'aimer, et j'ose croire encore que vous n'êtes pas insensible à l'admiration très-sincère d'un homme qui vous a approché, et dont la douleur extrême est étouffée par le souvenir de vos premières bontés.

Ne pouvant avoir la consolation de me mettre moi-même aux pieds de V. M., je veux avoir au moins celle de m'entretenir de vous avec mylord Marischal. Je ne suis pas éloigné de lui; et, si V. M. m'en donne la permission, si ma malheureuse santé m'en laisse la force, j'irai lui dire ce que je ne vous dis pas, combien vous êtes au-dessus des autres hommes, et à quel point j'ai eu la hardiesse et la faiblesse de vous aimer de tout mon cœur. Mais je ne dois parler à V. M. que de mon profond respect.

335. DU MÊME A L'ABBÉ DE PRADES.a

Aux Délices, 29 octobre (1755)

Frère Rhubarbe a frère Gaillard,bsalut.

Je suis très-fâché que frère en Belzébuth, frère Isaac,c soit malingre et mélancolique; c'est la pire des damnations. Conservez votre santé


a Tirée des archives du Cabinet de Berlin. - Frédéric à mylord Marischal, le 12 juin 1756 : « Je n'ai point écrit à Voltaire, comme vous le supposez; l'abbé de Prades est chargé de cette correspondance. Pour moi, qui connais le fou, je me garde bien de lui donner la moindre prise. » Voyez t. XX, p. 297. Voltaire écrit au maréchal duc de Richelieu, le 7 février 1756 : « Croirez-vous que le roi de Prusse vient de m'envoyer une tragédie de Mérope, mise par lui en opéra? » La lettre d'envoi de Frédéric nous est inconnue.

b Voltaire avait donné à l'abbé de Prades le surnom de frère Gaillard, probablement à cause de sa gaîté, dont il est parlé dans la troisième ligne de cette lettre. Voyez la lettre de Voltaire au marquis d'Argens, 1753, no 1971 de l'édition Beuchot, t. LVI, p. 295.

c C'est par allusion aux Lettres juives du marquis d'Argens que Voltaire appelle souvent celui-ci son cher Isaac. Voyez t. XIII, p. 55, et t. XIX, p. 20, 443 et 452.