<9> et votre gaîté. J'enverrais de tout mon cœur aux pieds du très-révérend père prieur le seizième chant du scandale qu'il demande; mais je n'en ai point fait.a Une douzaine de jeunes Parisiens, plus gais que moi, s'amusent tous les jours à remplir mon ancien canevas. Chacun y met du sien. On dit qu'on imprime l'ouvrage de deux ou trois façons différentes. Tout ce que je peux faire, c'est de protester en face de la sainte Église. Si le très-révérend père prieur voulait mettre dans son cabinet de livres un exemplaire corrigé de l'Orphelin de la Chine, j'aurais l'honneur de le lui adresser en toute humilité; car, malgré l'excommunication que l'exaltation de l'âme, les frictions de poix-résine, et la dissection des cerveaux de géantsb m'ont attirée, je vois que sa noble paternité a des entrailles de charité; et elle doit savoir que j'étais un frère servant très-attaché au père prieur, pensant comme lui, et disant mon office à son honneur et gloire. J'ai un petit monastèrec près de Lausanne, sur le chemin de Neufchâtel; et, si ma santé me l'avait permis, j'aurais été jusqu'à Neufchâtel pour voir mylord Marischal;d mais j'aurais voulu pour cela des lettres d'obédience.

Il m'est venu ici deux jeunes gens de Paris, qui m'ont dit qu'il y a un nommé Poinsinete à qui on a fait accroire que le roi de Prusse l'avait choisi pour être précepteur de son fils, mais que l'article du


a La Pucelle, telle qu'elle se trouve dans les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XI, a vingt et un chants.

b Allusion à certaines idées énoncées dans les Lettres de M. de Maupertuis, Dresde, 1752, in-8, p. 154, 206, 223 et 224, idées défigurées et ridiculisées par Voltaire dans son Histoire du docteur Akakia. Voyez ses Œuvres, édit. Beuchot, t. XXXIX, p. 487, 479 et 486. Voyez aussi t. VII, p. 63 et 64; t. XII, p. 124; et t. XIV, p. 196 de notre édition.

c Monrion ou Mont-Riond, campagne située entre Lausanne et le lac Léman. Voltaire s'y établit le 16 décembre 1755, et il y resta jusqu'au 10 mars 1756. Il y fit un second séjour de trois mois, du 9 janvier 1757 aux premiers jours du mois d'avril suivant.

d Voyez t. XX, p. 291 et 292.

e Henri Poinsinet, surnommé le Petit, né à Fontainebleau en 1735, se noya dans le Guadalquivir en 1769. Auteur dramatique médiocre, il est célèbre par les mystifications que lui attira son excessif amour-propre. Sa comédie du Cercle est restée longtemps au théâtre.