<489> voudrais pour exemple que votre ami le Grand Turc, qui marche contre la Russie pour soutenir sans doute la religion catholique. Notre saint-père le pape ne se serait pas attendu à cet allié-là.

Je désire beaucoup de voir traiter par V. M. les autres sujets qu'elle se propose, entre autres ces deux-ci : qu'il faut chasser les philosophes des gouvernements monarchiques; et que les États où le peuple est le plus pauvre sont les plus heureux, parce que le peuple est sage, et sait se passer de tout. C'est une vérité dont on tâche de le persuader par l'expérience dans la plus grande partie de la terre. Heureux le pays où il a le bonheur de n'être pas éclairé jusqu'à ce point sur ses vrais intérêts!

Conservez, Sire, votre santé précieuse à des sujets qui ne recevront jamais de vous de pareilles instructions; conservez-la pour la philosophie, pour les lettres, et pour le bonheur de celui qui sera toute sa vie avec le plus profond respect et la plus respectueuse reconnaissance, etc.

52. A D'ALEMBERT.

4 octobre 1768.

Je ne pensais pas devenir chef de secte en vous envoyant ce badinage sur la paresse, et je me targue étrangement d'avoir des philosophes pour disciples; je n'attribue cependant pas cette conversion à la force de mes arguments. Il faut être juste, et convenir qu'après avoir poussé le coursier de son imagination dans toutes les carrières métaphysiques, qu'après avoir vu le bout de toute chose ou, pour mieux dire, les bornes que l'esprit humain ne saurait franchir, on