<565>suadé comme je le suis que vous seul pouvez les bien faire. Si vous ne faites pas le voyage d'Italie, ce pays y perd autant que vous, parce qu'il est plus facile de trouver des ruines que de bons philosophes. Je suis fâché cependant que vous ne puissiez pas faire cette course si intéressante pour tout homme de lettres. La calomnie vous attaque; j'en suis d'autant plus étonné, que vous avez mérité des éloges de votre patrie, et non les brocards et les mensonges qu'on divulgue sur votre sujet. Vous êtes bien constant de préférer cette patrie ingrate aux avances d'une impératrice et des étrangers qui rendent justice à votre mérite et à vos talents. Je ne doute pas que ceux qui vous persécutent aussi injustement ne vous poussent à suivre la destinée des Bayle et des Des Cartes, et des plus grands génies que la France a portés, dont il semble qu'elle n'a pu endurer la supériorité. Mais, quelle que soit votre situation, soyez très-persuadé que je m'y intéresserai; j'ai trop d'estime pour votre personne, pour que votre destin ou votre sort puisse m'être indifférent. Sur ce, etc.

90. DE D'ALEMBERT.

Paris, 26 novembre 1770.a



Sire,

J'ai trouvé, en arrivant à Paris il y a trois jours, trois lettres dont V. M. m'a honoré pendant mon voyage, et qui n'ont pu m'être envoyées, parce que, ayant fait environ cinq cents lieues en deux mois, tant pour l'aller que pour le retour, et par conséquent étant peu resté dans les mêmes lieux, il était difficile qu'on pût savoir où me les


a Le 30 novembre 1770. (Variante de l'édition Bastien, t. XVII, p. 204.)