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112. DE D'ALEMBERT.

Paris, 16 mai 1772.



Sire,

Permettez-moi de commencer cette lettre par le compliment que je crois devoir à V. M. sur les succès d'un savant que ses bontés ont fait connaître à l'Europe, succès dont la gloire rejaillit sur votre Académie, dans laquelle vous avez bien voulu lui donner une place distinguée. M. de la Grange vient de remporter, pour la quatrième ou cinquième fois, le prix de notre Académie des sciences, avec les plus grands éloges et les mieux mérités; et je crois pouvoir annoncer d'avance à V. M. qu'il sera élu dans peu de jours associé étranger de notre Académie. Ces places sont très-honorables, parce qu'elles sont en petit nombre, fort recherchées, occupées par les savants les plus célèbres de l'Europe, qui ne les ont obtenues que dans leur vieillesse, au lieu que M. de la Grange n'a pas, je crois, trente-cinq ans. Je me félicite tous les jours de plus en plus, Sire, d'avoir procuré à votre Académie un philosophe aussi estimable par ses rares talents, par ses connaissances profondes, et par son caractère de sagesse et de désintéressement. Je ne doute point que V. M. ne veuille bien lui témoigner sa satisfaction. Cette espérance est fondée et sur l'estime que V. M. veut bien avoir pour lui, comme elle m'a fait l'honneur de me le dire plus d'une fois, et sur le beau discours qu'elle vient de faire lire à son Académie,a et qu'elle a eu la bonté de m'envoyer. J'avais déjà lu, Sire, cet excellent discours dans la gazette de littérature qui s'imprime aux Deux-Ponts, et j'avais admiré la saine philosophie qui y règne, les vues justes et dignes d'un grand roi qu'il présente, l'éloquence avec laquelle il est écrit, et la force avec laquelle V. M.


a Discours de l'utilité des sciences et des arts dans un État. Voyez t. IX, p. x, et p. 195 à 207; t. XXIII, p. 238 et 239.