80. DE D'ALEMBERT.

Paris, 28 juillet 1770.



Sire,

J'ai osé demander à Votre Majesté une grâce pour la philosophie, dans la dernière lettre que j'ai eu l'honneur de lui écrire; j'ose aujourd'hui lui en demander une pour moi-même, tant elle m'a accoutumé à espérer en ses bontés, et presque à en abuser.

Ma santé, Sire, dépérit de jour en jour; à l'impossibilité absolue où je suis de me livrer au plus léger travail se joint une insomnie affreuse, et une profonde mélancolie. Tous mes amis, et mes médecins, me conseillent le voyage d'Italie comme le seul remède à mon malheureux état; mais mon peu de fortune, Sire, m'interdit cette ressource, l'unique cependant qui me reste pour ne pas périr d'une mort lente et cruelle.

<547>V. M. eut la bonté de m'offrir elle-même, il y a sept ans, lorsque j'avais l'honneur d'être auprès d'elle, les secours nécessaires pour ce voyage, que je me proposais alors de faire. J'ai recours aujourd'hui à sa bienfaisance, à qui je dois déjà tant, et à qui je vais devoir encore la vie. On m'assure que le voyage d'Italie, pour être fait avec quelque aisance, surtout par quelqu'un d'infirme et de malade, exige environ deux mille écus de France. Je prends donc la liberté de les demander à V. M., et j'attends avec la plus respectueuse confiance, et d'avance avec la reconnaissance la plus vive, la réponse dont elle voudra bien m'honorer à ce sujet.

J'ai reçu il y a quelques jours le paquet que V. M. m'a fait l'honneur de m'envoyer, et j'aurai l'honneur de lui écrire incessamment en détail sur les grands objets qui font la matière de cet écrit.

Je suis avec le plus profond respect, et avec une admiration égale à mon inviolable dévouement, etc.