<216> comme l'évêque appréhendait que le curé de la paroisse, malgré sa défense, ne communiât le janséniste, il envoya un de ses grands vicaires consommer (c'est-à-dire manger) toutes les hosties qui étaient dans le tabernacle, afin qu'il n'en restât pas une pour le pauvre malade. Le grand vicaire obéit, et n'en laissa pas une; mais comme le ciboire en était tout plein, le bon prêtre en eut une effroyable indigestion. Il envoya chercher le médecin, qui lui annonça un très-grand danger, auquel il n'y avait de ressource que l'émétique. Le grand vicaire s'y refusa constamment, disant qu'il ne voulait point vomir, au grand étonnement du médecin, qui ne pouvait comprendre la raison que lui en donnait le prêtre, que sa conscience ne le lui permettait pas. Enfin, le prêtre en mourut, martyr de sa sainte voracité. Voilà, Sire, un bon conte à mettre en vers. V. M. devrait bien le rimer, et le dédier à son ami Cristophe ou Christophe de Beaumont. L'orateur dont j'ai eu l'honneur de vous envoyer l'oraison funèbre ne se soucie point du tout que V. M. le confonde avec ce digne et savant prélat. Cet orateur s'appelle Boismont, et non pas Beaumont, et n'a de prêtre que ce qu'il en faut pour être apte et idoine à posséder des bénéfices.

L'Empereur devait arriver le 28, non à Paris, mais à Versailles; si j'avais l'honneur de le rencontrer, ce qui ne sera pas, car je ne vais pas plus à Versailles qu'à Bruxelles, je prendrais la liberté de lui recommander, au nom de V. M., le coffre-fort sacerdotal et monacal, et je me flatte que V. M. ne m'en désavouerait pas. Le beau sermon qu'elle fait faire à Calvin, dans la dernière lettre dont elle m'a honoré, vaut mieux que toutes les déclamations de Bourdaloue; j'y répondrais, si je l'osais, par un autre sermon qui sans doute ne le vaudrait pas, mais qui pourrait trop scandaliser la curiosité des maîtres de poste, depuis Paris jusqu'à Berlin, et je me souviens que l'Évangile a dit : « Malheur à celui par qui le scandale arrive! »a de quoi je veux,


a Évangile selon saint Matthieu, chap. XVIII, v. 7.