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28. DU COMTE DE MANTEUFFEL.

Berlin, 24 août 1736.



Monseigneur,

C'est M. de Münchow,a homme fort zélé, à ce qu'il me semble, pour vos intérêts, qui m'apporta tantôt, à l'heure du dîner, la lettre de V. A. R., du 21 du courant.

Ce n'est pas pour relever aucun quiproquo que j'ai cité la date de ses ordres précédents. Mon impertinence ne va pas jusque-là. J'ai réellement cru que V. A. R. pouvait m'avoir écrit de fort grand matin, et que je pouvais avoir sa lettre dès le même jour, puisque la distance de Rheinsberg à Berlin n'est que de neuf à dix lieues.

V. A. R. ne trouvant pas mauvais que j'étende mon quinze-vingtat sur d'autres choses encore que sur ce qui regarde la philosophie de Wolff et d'autres matières littéraires, je me crois obligé en conscience de lui avouer franchement que c'est à très-bonnes enseignes que j'ai pris la liberté de lui parler comme j'ai fait au sujet de Pöllnitz et de Gresset. Quoique né au-dessus de toutes les précautions que j'ai eu la témérité de lui recommander à mots couverts, à l'occasion de ces deux hommes, V. A. R. est naturellement trop clairvoyante pour les trouver frivoles, pour peu qu'elle réfléchisse sérieusement au véritable caractère de certaine personne, qu'elle considère, selon le quatrième vers de votre excellente tirade rimée, sous trois figures différentes et, grâce à l'immutabilité du destin, également respectables. Votre sort, monseigneur, étant tel qu'il est, je crois que les règles de la prudence demandent que V. A. R. n'aille extérieurement en quoi que ce soit contre le torrent, et qu'elle fasse des efforts non seulement pour complaire à ce triple personnage, mais aussi pour ména-


a Louis-Guillaume de Münchow, nommé comte le 6 novembre 1741, fils aîné du président de Mûnchow, à Cüstrin.