<197> n'abuserai point de la confiance que vous m'avez témoignée, et que je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous mettre l'esprit en repos sur le sujet de cette ingrate personne. Je ne vous demande que huit jours de temps pour voir quels arrangements je pourrai prendre sur cette matière, et je vous le manderai alors plus en détail; mais vous pouvez compter que vous aurez lieu d'être satisfaite. Les princes sont dans le monde pour faire des ingrats; si l'abus de leurs bienfaits les arrêtait d'en faire davantage, il n'y en aurait plus de bienfaisants ni de généreux. Ne trouvez donc pas mauvais, ma chère sœur, que je vous conjure en même temps de penser à votre santé, et d'écarter, pour cet effet, toutes les pensées chagrines qui en peuvent retarder l'entière restitution. Méprisez une personne méprisable par son ingratitude, et ne prenez pas trop à cœur des sujets de désagréments qui, à les bien examiner, ne valent pas la peine de troubler la tranquillité de votre âme et le repos de votre vie. J'ai éprouvé des revers d'autant plus fâcheux, que le mal qu'ils m'ont fait était irréparable; j'ai eu de vrais amis, la mort me les a enlevés; j'en vois tous les jours qui adorent ma fortune, et qui ne sont attachés qu'aux honneurs et aux biens dont le destin m'a fait le dispensateur. Que faire donc dans un monde qui ne changera pas pour l'amour de nous? S'occuper l'esprit par l'étude, et puiser dans la philosophie un remède assuré contre les traverses et les chagrins desquels aucune condition n'est exempte dans ce monde. Excusez, je vous en supplie, cette morale qui m'est venue, conduite par le sujet, au bout de la plume. Je devrais vous amuser, ma très-chère sœur, au lieu de vous parler sérieusement et pesamment, comme je le fais; mais, pour badiner, il faut que je sache que votre santé est entièrement rétablie. Rendez-moi donc ma belle humeur, je vous en conjure, et daignez me croire avec estime, tendresse et passion, ma très-chère sœur, etc.