<214> il faut que l'amour en souffre. Se piquer de constance en pareille occasion, c'est jouer une passion que l'on n'a pas, c'est affecter le sentiment, ou bien faire l'ivrogne à jeun. Nous ne sommes pas les maîtres de l'amour, mais il est le nôtre; il prend un cœur d'assaut, sans qu'on puisse lui résister, et lorsqu'il nous quitte, il devient sourd à la voix qui le rappelle. Je tiens donc qu'une personne qui varie dans son estime par inconstance mérite notre mépris, et que celle qui est infidèle en amour imite le dieu qu'elle sert, et auquel les poëtes ont donné des ailes pour de bonnes raisons. Je m'attends à passer condamnation devant votre tribunal, ma chère sœur; vous me prendrez pour un pourceau du troupeau d'Épicure. Traitez-moi, je vous prie, avec plus d'indulgence, et souvenez-vous que c'est pour vous obéir que je vous explique mes sentiments.

Ne doutez point, ma chère sœur, de la constance de mon estime, ni de tous les sentiments avec lesquels je suis invariablement, ma très-chère sœur, etc.

216. A LA MÊME.

Le 17 juin 1749.



Ma très-chère sœur,

J'ai été bien heureux aujourd'hui, ayant reçu deux de vos lettres à la fois. Vous m'y comblez de témoignages d'amitié. Je vous assure, ma chère sœur, que j'y suis aussi sensible que l'on peut être, et que tout est bien réciproque de mon côté. C'est par cette raison que, préférant vos intérêts à mes agréments, j'ai lu un chapitre d'Épictète pour me consoler de votre absence. Vous voulez cependant que tout me