<280> pas autant que le temps? D'ailleurs, ce qui est une fois ne saurait pas ne plus être. Nous sommes faits dans le monde pour recevoir avec une égale douceur le bien et le mal que la nature nous distribue; murmurer contre des événements désagréables et fâcheux pour nous, c'est s'opposer aux lois universelles,a qui veulent une mutation perpétuelle de la matière. D'ailleurs, notre propre vie est si brève, que, à bien considérer les choses, nous sommes insensés de nous affliger de la perte d'amis que nous rejoindrons dans peu.b Il faut regarder le monde comme un spectacle varié, comme une lanterne magique qui nous montre sans cesse de nouveaux objets, et qui en fait sans cesse disparaître, jusqu'à ce que notre tour vienne, et que nous fassions place à de nouveaux venus. Si vous voulez bien aussi penser et réfléchir, d'un autre côté, combien de personnes vous sont chères et attachées, vous trouverez peut-être que, à tout bien résumer, la mort vous aurait pu porter des coups bien plus sensibles. Songez, d'ailleurs, combien de personnes s'intéressent vivement à votre personne, et quel chagrin vous leur causeriez, si un trop grand abandon à la douleur nuisait à votre santé. Je vous conjure, ma chère sœur, faites un généreux effort sur vous-même, et que l'étourderie d'un homme qui s'est livré lui-même entre les mains de misérables empiriques ne dérange pas votre précieuse santé. J'ose vous conjurer par les bontés que vous avez pour moi de ménager une santé et une vie dont dépend la mienne. Ce sont les sentiments avec lesquels je suis à jamais, ma très-chère sœur, etc.


a Voyez t. XX, p. 31 et 32, no 5.

b Voyez t. XII, p. t.114; t. XIII, p. 194; et t. XXV, p. 50.